S’engager pour la vie est une décision lourde de conséquences. Elle est plus ou moins bien accueillie par les parents. « Ils étaient au courant de notre relation, qu’ils prenaient très au sérieux, témoigne Nathan. Mais quand, à 17 ans, on leur a dit qu’on voulait se fiancer, mon père a eu besoin d’un café ! » Les parents de ces deux lycéens, qui « préféraient que leurs enfants se marient jeunes plutôt qu’ils vivent ensemble », se sont montrés à la fois compréhensifs et prudents : « Ils ne nous ont pas mis de freins, sans nous pousser pour autant ».
Pour Célia et Matteo, l’annonce aux familles a plutôt été le début des ennuis : « Nos parents nous trouvaient trop jeunes, ils voulaient qu’on finisse nos études d’abord ». Conséquence : le jeune couple, très déterminé, a dû commencer à préparer seul le mariage.
Et les amis ? Si certains se sont montrés réticents, d’autres ont compris et même approuvé. Célia et Matteo ont essuyé des réflexions du genre : « Profitez d’abord de la vie, faites d’autres rencontres ! » Des discours qui les ont surpris, voire blessés, quand il s’agissait d’amis « soit-disant catholiques ». Claire, qui pensait qu’à la fac on allait « la prendre pour une folle », a été en revanche heureusement surprise : « Les gens ont montré plus de joie que d’inquiétude. Et même beaucoup de joie ! ». Mais elle se souvient des mises en garde de certains adultes : « Es-tu sûre de l’aimer encore dans dix ans ? » Quant à Marion et Nathan, l’étonnement de leur histoire a suscité et a donné (et donne encore) à ces jeunes protestants l’occasion de témoigner de leur foi et de leur confiance en Dieu.
Parents, accompagnez-les sans vous immiscer dans leur intimité
Au-delà des réactions premières, quelle doit être l’attitude des adultes face à ces « petits couples de 20 ans » qui cheminent vers le mariage ? Pour Marie-Laure de Salins, conseillère conjugale et familiale au Cler, celle des parents ne doit pas reposer sur la peur (peur des peines de cœur, du qu’en-dira-t-on, ou des relations sexuelles et de leurs conséquences quand la relation dure), mais sur un accompagnement discret. « L’inquiétude légitime des parents ne doit pas se transformer en pression du type « Mariez-vous ! ». Ils doivent accompagner, dire quelles sont leurs valeurs, sans toutefois s’immiscer dans l’intimité de leur enfant, en particulier leur vie sexuelle ».
D’ailleurs les parents ne sont pas les mieux placés pour aider leur enfant. « Il est bon qu’ils disposent d’un relai éducatif, suggère Marie-Laure de Salins. Le parrain, la mère de la meilleure amie… qui pourront faire état de leur expérience. » Ou un prêtre. Bien le choisir est très important, car les jeunes fiancés attendent beaucoup de lui et demandent une grande disponibilité.
Que dire à ces jeunes ? « Il faut leur expliquer la vie qu’ils auront, leur dire en quoi ils vont perdre leur autonomie, être très terre à terre, insiste la conseillère conjugale. Ils ne réalisent pas forcément concrètement ce qui les attend. S’ils se marient jeunes, ils mûriront ensemble, auront des enfants tôt, puis la possibilité d’avoir une deuxième vie. Mais en attendant, ils devront accepter d’être en décalage avec les autres. »
Etre indépendants financièrement, quitte à démarrer pauvrement
De son côté, le Père Pierre-Marie Castaignos, accompagnateur de jeunes couples, leur conseille d’essayer d’attendre un peu pour donner vie à des enfants. Histoire de « consolider leur couple ». Un choix qu’on fait Marion et Nathan, qui vivent de bourses et de jobs d’été. Ou comme Célia et Matteo, qui ont vécu au départ avec le salaire de professeur de Célia, tandis qu’il finissait ses études. « On voulait se débrouiller seuls, témoigne Célia. On n’avait pas des goûts de luxe, car on n’avait pas été gâtés. On n’a pas demandé un sou à nos parents. » « Nos parents ne nous aident pas, mais nous savons que nous pouvons compter sur eux en cas de coup dur », renchérit Marion.
Pour le père Castaignos, cette indépendance financière est une condition sine qua non du mariage jeune. Ce que confirme Marie-Laure de Salins : « Le risque, quand des parents subviennent aux besoins des jeunes mariés, c’est qu’il y ait une mainmise parentale sur ce couple ». Si une aide est nécessaire, la conseillère conjugale suggère qu’elle soit par exemple faite sous la forme d’un prêt de type étudiant.
Pour Célia et Mattéo, mariés depuis huit ans, l’heure est à un premier bilan. Ces parents de trois filles reconnaissent qu’il y a eu des tensions et des moments de découragement, « comme dans tout couple ». Mais jamais ils ne se sont dit : « On n’aurait pas du se marier du tout ». « Le mariage, ce n’est pas une question d’âge, affirment-ils, c’est une question d’entente, de volonté de créer ensemble quelque chose qui dure, toujours. »