Les aléas de la vie ont fait que nous nous sommes mariés tard, comme cela se dit couramment, nous n’avons pas eu d’enfants et n’en auront pas. La grande joie de nous marier, de faire des projets ensemble, de confirmer des tensions fortes qui nous habitaient l’un et l’autre, nous a appelés à nous interroger sur ce qui ne serait pas et sur ce qui pouvait être.
C’est par le mot fécondité que nous avons approché le plus – le mieux ? – ce que nous étions appelés à vivre. Nous sommes dans des familles attentives et affectueuses et avons des amitiés stimulantes. Nous sommes et avons été dans des tâches professionnelles enrichissantes quoique exigeantes. Nous sommes dans des réseaux chrétiens et associatifs dynamiques et au labeur pour un avenir à construire.
C’est forts de ces appuis que nous nous sommes interrogés sur ce que nous pouvions apporter pour ouvrir l’avenir, faire vivre des espérances. Nous pouvions être féconds par ce que nous allions partager, vivre et faire vivre en ces lieux d’engagements dans l’Eglise, dans la vie syndicale, dans le monde associatif !
Professionnels de la santé, nous avions des métiers qui mettent en œuvre une attention aux autres. Nous avons rencontré le fort désir des malades de vivre la cap existentiel de la maladie, dans l’espérance et grâce au soutien de leur entourage et des soignants, qu’ils se reconstruisent ou accomplissent leur vie jusqu’au bout. Nous avons choisi d’être acteurs de cette espérance, comme professionnels mais aussi par des engagements syndicaux.
Le texte des évêques « Pour de nouveaux modes de vie » en 1982 a donné sens concret à cette fécondité. En couple nous avons fait le choix de donner temps et argent (moins de salaire et moins de revenus à la retraite) pour la vie de l’Eglise, ainsi un de nous assurera un service d’aumônerie d’hôpital pendant 20 ans à mi-temps.
Nous savions bien que vivre ensemble serait aussi regarder plus loin que nous ; comme nous découvrons au fil du temps que si un enfant montre avec bonheur la fécondité d’un couple, la nôtre ne serait réelle que pour celles et ceux qui la dirait telle. Cette fécondité n’existe que si d’autres la nomment, ou elle n’est pas ! C’est donc une exigence de vérité à construire dans le dialogue que nous essayons de vivre dans notre couple, mais c’est aussi le sentiment que cette fécondité sera toujours devant nous et à rendre possible.
Paulette Souchon et Luc Champagne
Paulette Souchon est infirmière à Lyon. Luc Champagne est ancien cadre hospitalier et directeur du département Santé au sein du service national Famille et Société de la Conférence des évêques de France