Exaspérant cette réponse, lorsqu’on demande à son conjoint son avis, ce qu’il(elle) souhaite dans telle ou telle situation, ce qui lui ferait plaisir, ce qu’il(elle) juge bon ou opportun … D’aucuns imaginent peut-être que cet(te) époux(se) a bien de la chance de vivre avec un conjoint si facile, si conciliant, que son couple doit être bien harmonieux, paisible !... « Facile d’être toujours d’accord quand l’un est si effacé, ne dit rien, n’existe pas ! »
Mais l’harmonie conjugale n’est pas le calme plat, l’absence de vagues, le désinvestissement physique ou affectif de la relation. Pour que le couple soit véritablement un couple, il faut deux libertés, deux personnes réelles, qui existent pleinement chacune, avec ses idées propres, ses aspirations, ses désirs, ses talents, ses intuitions, son caractère, son projet personnel. Sinon, il n’y a plus d’altérité, plus d’amour possible : on est réduit soit à la fusion , soit à l’écrasement de l’un par l’autre ( domination-soumission), soit à l’indifférence ( coexistence, cohabitation plus ou moins pacifique !).
« Que votre amour soit sans hypocrisie » nous dit St Paul. Or, feindre d’être d’accord, refuser de donner son avis, de dire son désir, ce n’est pas « se mettre d’accord, ni rechercher l’unité dans la perfection » : c’est baisser les bras, fuir le débat éventuel, sans chercher à le résoudre pacifiquement, à comprendre quels en sont les enjeux véritables, les termes. Pourquoi cette lassitude ? Pourquoi cette démission, ce découragement qui frise la lâcheté, ce non-amour de soi ? Mon avis n’aurait donc pas d’importance ? Ne peut pas être pris en compte par mon époux (se) ? Comment se fait-il que je n’arrive pas à m’affirmer plus positivement ? Comment nos enfants ressentent-ils la place de chacun dans notre couple ? La place de l’homme, la place de la femme ? Chacun est-il bien situé dans sa vocation d’homme-époux et père, de femme-épouse et mère ? Comment se joue la complémentarité entre nous deux, et la confiance dans le partage des compétences de chacun ? Comment la Parole de Dieu nous éclaire-t-elle là-dessus ?
Le plus souvent, après une telle réponse laconique, surtout si elle se répète fréquemment entre les époux, de façon abrupte et sans discussion préalable, on peut s’attendre à une explosion du style : « Je ne t’ai jamais dit de faire comme cela… tu t’y prends comme un pied… si tu m’avais laissé faire… de toutes façons tu fais toujours comme tu veux !… », ou un haussement d’épaules désabusé, les yeux levés au ciel, signifiant clairement un désaccord et la pénible impression d’avoir été floué(e), mis(e) à l’écart, exclu(e) du processus de décision.
Les époux sont co-responsables de leur relation conjugale et du « pilotage de la barque-famille ». La sainteté n’est pas la lâcheté ou l’écrasement des désirs de l’un par ceux de l’autre, mais le discernement, ensemble, avec l’aide de l’Esprit-Saint, de ce à quoi nous sommes appelés en couple et en famille, en fonction de la complémentarité nos aspirations propres. Le renoncement à soi et à sa volonté propre ne peut être réel et fécond que lorsque cette volonté propre est clairement reconnue et affirmée, et que le renoncement est motivé par l’amour : « Oui, je t’aime, et je choisis de faire ce que tu veux, et non ce que je veux (et que je t’ai exprimé), car je reconnais ( et j’espère) que ce sera le meilleur pour nous deux et pour notre famille, et que je pense que là est la Volonté de Dieu pour nous ».
1Cor11-11 : « Dans le Seigneur, la femme ne va pas sans l’homme, ni l’homme sans la femme ; car si la femme a été tirée de l’homme, l’homme à son tour naît par la femme, et tout vient de Dieu »
Article écrit par Bénédicte LUcereau, cabinet Mots Croisés, portable : 06 11 61 51 14