Ma fiancée « claque » beaucoup d’argent et cela m’énerve. Est-ce grave ?
Nombreux sont les fiancés persuadés que l’argent ne posera jamais problème. « Quand on s’aime, on ne compte pas ! ». Mais n’est-ce pas là une douce illusion ? Ce garçon a raison de pointer ce problème et d’essayer de l’éclaircir.
Dans notre société de consommation, l’argent tient une telle place qu’il serait étonnant qu’il n’ait pas de répercussions sur la vie familiale et l’amour lui-même. L’argent bien employé est une source merveilleuse de bonheur par le confort, la sécurité qu’il apporte, les loisirs qu’il permet. Mais il est aussi, trop souvent, une source de conflits sur les choix à faire, les investissements prioritaires (voiture ou salon ?).
Tensions mensuelles pour déterminer les priorités, reproches voilés envers celle qui ne travaille pas ou celui qui connaît le chômage, gêne pour ce dernier d’exposer ses besoins, complexe de celui qui ne rapporte pas d’argent au couple, jalousie en raison de salaires différents… sans compter les conflits qu’il provoque avec les tiers ! Avec les frères et sœurs lors des partages d’héritages, avec les beaux-parents, jugés pingres s’ils n’accourent pas au secours du couple en difficulté. Les conflits les plus fréquents sont provoqués soit parce que l’un des conjoints est perçu comme un accro à l’argent, soit au contraire comme un prodigue imprévoyant.
Epargner à tout prix…
Il y a une première catégorie de conjoints : ceux qui sont profondément attachés à l’argent. Ce sont des obsédés de la thésaurisation, les écureuils de l’épargne : ils boursicotent – prudemment – et économise le moindre centime. Ils ont soif de posséder, d’augmenter leur capital. Ils se justifient en disant qu’ils mettent de côté pour mettre la famille à l’abri. Ils prêchent l’économie (de bouts de chandelles !) et sont blessés par la moindre perte d’argent. La course aux soldes (bien légitime par certains côtés) est chez eux obsessionnelle. Parmi eux, vous retrouvez ceux qui aiment l’argent pour l’argent et non pour les avantages qu’il peut procurer, ce sont les ‘’amoureux du veau d’or’’ qui contemplent leur bas de laine ou leur compte en banque. On peut ranger dans cette catégorie les anxieux qui ont besoin d’être sécurisés par le matelas de beaux euros. « Au cas où il y aurait la guerre, la maladie, le chômage… ».
Il va sans dire qu’en face, le conjoint qui doit se priver, calculer sans cesse, se cacher parfois pour donner de l’argent à ses enfants, ne peut que souffrir, et dénoncer ces comportements extrêmes.
…ou dépenser à tout va
A l’opposé, nous avons des conjoints qui estiment que l’argent et fait pour être dépensé, eet qui ne s’en privent pas. Prodigues sans discernement, ils adorent consommer, jouissent en faisant des achats. Acheter, courir les bonnes affaires, les nouveautés, entasser des objets inutiles, craquer pour une paire de chaussures, compléter une garde-robe qui déborde pourtant des armoires,… voilà qui donne l’impression d’exister, mais peut fortement irriter le conjoint, surtout si c’est lui qui paie ! Quand les deux conjoints sont cigales et, en outre, n’ont aucune règle de gestion, inévitables sont les découverts en banque et la courses aux emprunteurs qui ont intérêt à faire le deuil de leur argent ; certains couples, même avec des salaires plus que convenables, n’arrivent pas à joindre les deux bouts.
Dans ce groupe il y a aussi ceux qui dépensent pour épater. On achète la voiture qui éclabousse, laissant croire qu’on a un standing égal ou supérieur aux voisins (ou aux frères et cousins !). Enfin, il ne faut pas oublier tous ceux (peu nombreux) qui, dans un excès de générosité, donnent aux œuvres, à celui qui tend la main, à la paroisse, ou à leur mouvement, aux dépens parfois des besoins de la famille.
Mon rapport à l’argent
Comment dès lors atténuer, sinon résoudre, les conflits possibles dans ces deux cas de figure ? D’abord, il est essentiel que chaque conjoint ose étudier son rapport à l’argent. L’argent, du moins dans notre pays, est encore un sujet tabou, et on n’aime pas trop en parler ni avec les autres, ni avec soi-même. Il est des questions qu’on préfère ne pas se poser. Par exemple : sommes-nous justes dans nos déclarations ? Que faisons-nous de notre superflu ? Si bien qu’il importe de s’étudier loyalement : ai-je tendance à être prodigue ou attaché à l’argent ? Ce qui exige de se pencher sur ses motivations : pourquoi suis-je si attaché à l’argent ? Par souci de l’avoir, qui est chargé de compenser ce manque d’être que je ressens ? Par besoin de sécurité ? Par peur de manquer ? Pour être considéré, valorisé ? En montrant des signes extérieurs de réussite ? Par envie ? Pour être indépendant par rapport au conjoint ? Pour profiter de la vie ? Pour avoir du pouvoir dans le couple et/ou à l’extérieur ? Par besoin de donner beaucoup pour exister ?
Pourquoi, au contraire, suis-je si prodigue, dépensier ? Là encore, pour exister ? Par compensation de l’affection non reçue ? Par incapacité à maitriser la pulsion de l’avoir qui ne veut rien moins que tout ? Pour être remarqué ou même simplement plaire ? Par mépris pour cet argent que l’on considère comme sale (« crottin du diable » disait le curé d’Ars).
Ensuite, il est bon pour chaque conjoint d’essayer de comprendre le comportement de l’autre qui le déconcerte. Sans jugement. Quelles sont les motivations et les causes profondes de son rapport à l’argent ? n’est-ce pas son éducation, son milieu social, l’attitude de ses parents en ce domaine, ses manque dans son enfance ? Ou au contraire une surabondance d’argent facile, son histoire avec ses succès ou ses échecs, son idéologie ou sa lecture discutable de l’Evangile, l’environnement d’une société à genoux devant l’argent, qui expliquent peut-être un comportement que l’on peut déplorer ? Comprendre, pour pouvoir en parler sans reproche, calmement, et ainsi mieux connaître l’autre ! Reste qu’il faudra bien gérer concrètement ces problèmes d’argent.