Ainsi, tu trouves que ton aumônier est un peu vieux jeu et même complètement décalé dans ses conseils par rapport au monde moderne, en particulier sur le sujet de la sexualité.
Et toi, tu entends vivre dans l’air du temps, autrement dit, être dans le vent, branché… Comme on te comprend : tu veux être de ton temps ! Or les normes en mati-re de sexualité et d’amour ont tellement évolué que la fille et, a fortiori, le garçon qui n’ont pas de vie sexuelle, les fiancés qui ne cohabitent pas avant le mariage, font figure de fossiles.
Ces normes nouvelles sont d’autant plus insidieuses et incitatives qu’elles sont tacites et diffuses. Elles ne sont pas écrites noir sur blanc mais elles sont, comme tu le dis, dans l’air du temps, et on les respire à son insu. On est conditionné – y compris, bien souvent, les adultes eux-mêmes – c'est-à-dire manipulé à son insu.
Dieu sait pourtant si les jeunes ont horreur des conditionnements ! C’est ainsi qu’ils refusent d’être téléguidés par leurs parents et leurs éducateurs. Et pourtant, ils se laissent avoir par les sirènes des marchands de sexe, de drogue et de violence. Ces personnes sans scrupule produisent des revues ou des films lucratifs (un film X ne coûte rien : ni décor, ni costume) qui finissent par créer un climat délétère, promouvant des normes dont un jeune chrétien se sent souvent éloigné.
D’où la question à te poser : as-tu envie de faire partie, toi aussi, de la cohorte des conditionnés ?
Permets-moi une deuxième réflexion. Tu as peut de passer pour un vieux garçon, dis-tu. Mais cela, aux yeux de qui ? De tes parents ? Ca m’étonnerait. Des autres jeunes, de tes copains ? Si leurs réflexions te déstabilisent, te rends-tu compte alors du pouvoir que tu leur donnes ? Où est ta personnalité si tu as peur de leurs moqueries, si tu n’es qu’une marionnette dont les autres tirent les ficelles ?
N’oublie pas : on vient au monde « vieux » ! On nait avec le poids du passé qui nous est légué ; enfant, on copie les vieux, on imite ; et on ne devient « jeune » que lorsqu’on prend du recul par rapport à son enfance, gardant ce qu’il y avait de bon, refusant le reste.
Faire exactement comme ses parents, c’est être conditionné ; faire le contraire de ses parents pour –prétendument – être soi-même, c’est encore être conditionné, à rebours ! être jeune, c’est s’arracher à ces conditionnements du passé, en picorant dans l’héritage familial ce qu’il y avait de formidable, et en laissant de côté ce qui a pu nous faire souffrir.
Mais, ensuite, ne retombons pas dans l’ornière : si tu fais comme les autres, tu ne rajeunis pas, tu copies.
Combien de jeunes donnent cette compression d’être déjà vieux, blasés, jamais satisfaits, ayant perdu leur faculté d’émerveillement ! Ne crois pas qu’ils sont toujours aussi heureux qu’ils le prétendent parfois…
Tu deviens jeune si tu inventes le monde de demain en osant être toi, en t’arrachant aux modes ; si tu refuses d’être un mouton qui bêle avec les autres, tout prêt à suivre le troupeau, même s’il va se noyer.
Alors, oui, sois dans le vent, mais pas comme une feuille morte : comme le voilier qui avance en utilisant même des vents contraires. Sois dans le vent en ce sens que, connaissant ton époque et ses faiblesses, tu sais leur résister. N’hésite pas à aller à contre-courant pour oser t’affirmer et être toi.
Etre dans le vent, n’est-ce pas comprendre ce qui se vit autour de soi, repérer dans le monde ce qui prétend nous conditionner ? Être capable de juger et de choisir ce qui est humanisant, épanouissant, même si la majorité pense autrement ?
Puisque, dit-on, il n’y a plus de normes, que chacun est libre d’inventer les siennes, alors revendique le droit de vivre comme tu l’entends. Dignement. Passionnément. Utilement. Exerce ta liberté : tu n’es pas anormal en refusant des comportements supposés modernes. Mieux encore : indique, par la qualité de ta vie, la direction du beau, du vrai, en particulier au niveau de l’amour et de la sexualité. Le monde, en ce domaine, a perdu ses repères. Il a besoin de battants.. Il a suffisamment de remorques, il lui faut des locomotives, qui sachent l’entrainer vers la gare du vrai bonheur.
Laisse-moi terminer avec l’appel aux jeunes de François Mauriac : « A la fausse sagesse du monde : il faut que jeunesse passe, le Christ semble réponde : il faut que jeunesse ne passe pas. Nous avons l’âge de nos péchés… Amis du Christ : il dépend de vous que votre jeunesse soit éternelle ».