Le problème n’est ni dans « le permis » ni dans le « défendu ». Il est dans la volonté d’avoir des fiançailles chastes comme une préparation indispensable, physiquement, psychologiquement et moralement pour la chasteté conjugale, sans laquelle, il n’y a pas d’amour vrai, c’est-à-dire d’amour de don.
La chasteté est une vertu, c’est-à-dire une disposition habituelle à donner à ses désirs une orientation humaine, c’est-à-dire une orientation conforme à la raison et à la volonté qui tend à aimer en vérité.
En matière de relations amoureuses, la réalité à ordonner, est la sensualité, c’est-à-dire les dispositions du corps et de l’affectivité qui préparent les personnes (homme et femme) à un vrai don conjugal.
La sensualité est la première conséquence du désir. Le désir est intérieur ; il est un mouvement de l’affectivité (libido) qui tend vers une réalité agréable, en l’occurrence l’union charnelle. La sensualité est la disposition du corps à jouir de cette réalité ; la jouissance effective est le plaisir.
Le désir sexuel se nourrit de l’imaginaire (les phantasmes qui ont comme objet, le corps de l’autre ou son propre corps), il s’aiguise par la vue (plus masculin) et par l’ouïe — les paroles de tendresse — (plus féminin). Il devient de plus en plus précis par le toucher.
Cette précision et cette orientation du désir vers des gestes précis qui concernent le corps de l’autre et son propre corps, est ressenti comme excitation sexuelle. Chez l’homme l’excitation sexuelle, se traduit par l’érection persistante et soutenue du pénis. Chez la femme l’excitation sexuelle se traduit par de multiples signes, plus confus, mais qui aboutissent à une lubrification vaginale accompagnée de contractions qui disposent son corps à recevoir l’organe de l’homme. La fille se sent humide et même mouillée.
C’est la sensualité du corps. Elle indique aux partenaires sexuels qu’ils sont prêts l’un et l’autre à s’unir, ce qui signifie que les organes de la génitalité sont capables d’une union physique qui débouchera sur un plaisir commun. Cette sensualité entre les époux est une réalité bonne et même indispensable pour la réalisation humaine et harmonieuse de leur relation sexuelle, c’est-à-dire pour l’actualisation humaine de leur sexualité.
Cependant, si les époux veulent des actes conjugaux qui soient chastes, cela exigera, pour eux, la maîtrise de leur sensualité en vue d’une orientation profondément humaine de leur sexualité. C’est cette chasteté conjugale qui leur permettra d’être vraiment « un dans une seule chair », c’est-à-dire de respecter le plan du Créateur sur l’union de l’homme et de la femme.
Qu’en est-il de la chasteté pendant les fiançailles ? Il s’agit de la même vertu, qui porte sur la même réalité : la sensualité, en vue d’une même finalité : l’orientation humaine du désir sexuel vers une union physique harmonieuse et heureuse.
Il y a cependant une différence. Le temps des fiançailles est une préparation au mariage. Ce n’est pas le mariage, lequel comporte un droit absolu et exclusif des époux au don mutuel de leur propre corps. Les fiancés se préparent à cette donation réciproque. Ils n’y ont pas encore droit, même s’ils s’aiment profondément, car ils n’ont pas encore pris l’engagement, par la parole donnée, d’un don radical à l’autre et d’une responsabilité du corps de l’autre. Ce n’est pas uniquement l’amour qui fonde ce droit, c’est la parole donnée qui exprime un consentement public pris devant Dieu et devant les hommes.
Cependant l’amour mutuel que les fiancés ressentent, souvent passionnément, l’un pour l’autre, a des répercussions profondes et vibrantes dans leur affectivité. La sensualité s’éveille et sollicite les corps. Cette sollicitation peut être vive et même véhémente et les tensions qu’elle suscite se ressentent de façon précise, fortement orientée, et souvent douloureuses. En général les fiancés, qui veulent vivre cette première période de leur amour, dans la chasteté, ne veulent y répondent que par la tendresse : proximité des corps, caresses, baisers etc.
Mais jusqu’où peut aller la tendresse ? Y a-t-il des règles précises qui dressent une catégorie des gestes permis et des gestes défendus ? On sent très bien que la question du « permis » et du « défendu » est mal posée. La question doit être bien posée : la sensualité qui s’éveille entre nous est-elle mauvaise ? Si elle ne l’est pas comment l’orienter de façon chaste et qu’est-ce que cela signifie ?
La sensualité qui s’éveille entre les fiancés est loin d’être mauvaise. Elle est inhérente à l’attrait sexuel qui préside à leur amour. Si elle n’existait pas, ce serait inquiétant.
Considérant qu’elle n’est pas mauvaise, comment l’orienter de façon chaste et qu’est-ce que cela signifie ?
En premier lieu, il faut être clair et vrai. La tendresse qui est une manifestation de l’attrait et de l’amour est pénétrée de sensualité c’est-à-dire d’une orientation du désir qui dispose le corps à une relation sexuelle. Cette première vérité admise, il faut arriver à discerner dans les émotions du corps ce qui l’entraîne vers des tensions exigeant des gestes ou des unions physiques qui sont du droit exclusif des époux.
Ces gestes ne sont pas uniquement la « pénétration ». Toutes les émotions du corps qui sont ressenties comme une disposition proximale à une union physique et dont le renoncement, à la dernière minute (sic), demande soit un détachement brutal, soit une renonciation douloureuse et triste qui engendre de la culpabilité, sont de ce genre. Ces émotions exacerbent la sensualité et la déséquilibre.
Ainsi, plus les marques de tendresse du toucher s’orientent vers les zones d’intimité génitale, plus la sensualité dispose le corps à l’acte sexuel. Plus l’imaginaire se nourrit de regards qui sous les vêtements découvrent le corps sexuel de l’autre, plus le désir augmente et vise à confirmer, dans les actes, les contemplations intérieures. Plus les roucoulements amoureux s’exaspèrent intérieurement et se traduisent pas des envies de caresses intimes, plus le désir dispose le corps à solliciter le corps de l’autre et à attendre un geste sexuel qui met le vent dans les voiles. Plus les audaces dans la tenue, dans les positions, dans le dévoilement du corps, mettent à nu les corps et créent une proximité physique, plus la sensualité augmente et devient ingérable et non maîtrisable.
Alors quoi, faut-il tout s’interdire ? Le fait n’est pas de s’interdire. Au contraire, il est nécessaire de connaître la vérité de sa propre sensualité et de la sensualité de l’autre. Il est nécessaire de prendre la responsabilité de sa propre sensualité et de la sensualité de l’autre. Il est indispensable d’accepter avec toute sa raison et sa volonté que la sensualité est une richesse dont on dispose en vue d’une union complète dans la chair et qu’il faut apprendre, ENSEMBLE, à la maîtriser et à l’orienter vers sa véritable finalité : un amour conjugal de don réciproque. Il faut avoir la loyauté et la franchise de se parler et de dire à l’autre que tel geste, telle attitude, telle façon de regarder, telle caresse trop précise, telle façon de s’habiller, créent dans le corps des tensions qui rendent presque impossible la maîtrise des désirs, des imaginaires et font vibrer tout le corps.
Il faut surtout aimer et vouloir d’une façon positive, cette ascèse de l’amour en regardant plus loin. Les fiancés vivent de l’émotion vibrante de leur sensualité ; mais, cette sensualité est en vue d’une relation charnelle beaucoup plus riche et, cependant, beaucoup plus exigeante. Cette relation conjugale qui actualise la communion totale des personnes est loin de reposer sur l’unique satisfaction des sensualités bien qu’elle l’exige. En acceptant cette ascèse de leur sensualité, c’est-à-dire en lui conservant sa valeur de disposition, ou d’attente, à la plénitude de l’amour, en refusant de faire de son assouvissement, un but à atteindre, dès maintenant, les fiancés se préparent une vie conjugale épanouissante. Ils se préparent à une montée progressive et exigeante de leur don mutuel. Autrement dit, ils se préparent au bonheur ! C’est une question de qualité de l’amour et une éducation de ses désirs.
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