En apparence anodin, le rôle des témoins de mariage peut cependant être essentiel…
Ils étaient six, fiers comme Artaban dans leur queue-de-pie et excités comme une volée de moineaux. La fine équipe, réunie pour le mariage de Gégé n’est pas passée inaperçue. Ledit Gégé, vaguement inquiet, leur coulait des regards de biais. Tassés sur un banc, les compères se poussaient du coude en pouffant de rire ; ils ont commenté toute la cérémonie mezzo voce, puis sont allés signer les registres en se bousculant. On se serait cru au mariage du Petit Nicolas avec, pour témoins, Rufus, Alceste, Clotaire, Joachim, Agnan et Eudes. Le curé, d’ailleurs, leur faisait parfois les gros yeux comme Le Bouillon…
Comme le Petit Nicolas et ses copains, Gégé et les siens sont pourtant liés par une amitié authentique et joyeuse, scellée par quelques bières fraîches et quelques chahuts retentissants, mais aussi par des épreuves traversées ensemble. Accident de voiture, spleens, revers universitaires, difficultés familiales les ont soudés. Gégé ne les a pas choisis pour témoins uniquement pour assurer l’ambiance, mais parce qu’ils sont réellement proches.
Choisir ses témoins est ainsi une occasion unique, pour les futurs époux, de marquer aux plus proches la profondeur de leur affection. Choix cornélien que les fiancés tentent de résoudre en multipliant les élus. La tendance est nettement à l’inflation, ce qui n’aide pas toujours au recueillement. Avant le concile de Trente (1543), la question était vite résolue : de témoins, il n’y avait point ! L’échange des consentements suffisait à rendre le mariage valide, même si les époux étaient seuls. Ce qui, on s’en doute, donnait lieu à quelques abus… que le concile de Trente a jugulés en décidant de rendre l’affaire publique, imposant désormais la présence d’un prêtre et d’au moins deux témoins.
Ces derniers ont un rôle essentiellement juridique : ils attestent qu’ils ont vu et entendu que les consentements ont été échangés librement devant eux, leur signature dans le registre paroissial faisant foi. N’ayant aucune responsabilité d’ordre spirituel, il n’est pas nécessaire qu’ils soient baptisés, ni même chrétiens. Il n’est pas non plus nécessaire qu’ils soient majeurs, pour autant qu’ils aient une maturité suffisante pour engager leur parole.
Les témoins de mariage ne sont tenus qu’à une authentification des faits, mais ce rôle a aussi une dimension humaine importante. Puisque, justement, ils sont proches des futurs époux, ils peuvent légitimement s’interroger (de préférence avant le jour J…) sur la solidité et l’authenticité de leur engagement. Sont-ils capables d’en assumer les responsabilités ? S’engagent-ils librement ? Pour toujours ? Existe-t-il des événements essentiels que l’un des deux fiancés ignore ? Comme ils sont témoins de leur amour, ils ont le devoir, s’ils perçoivent une difficulté objective, d’en parler en vérité aux fiancés et, en cas de problème majeur, au prêtre.
Témoins pour le meilleur, certes, mais parfois aussi pour le pire, ils peuvent également aider les époux à vivre le don mutuel dans les épreuves, discrètement et avec délicatesse – parfois fermement aussi, car certaines vérités, difficiles à entendre, ne peuvent être dites que par les intimes. Si le couple vacille, ils pourront rappeler la force de l’engagement initial. Pour autant, les témoins ne sont ni des psychothérapeutes ni des conseillers conjugaux mais plutôt une épaule sur laquelle s’appuyer, une oreille qui écoute, un cœur qui comprend.
Le mariage est un sacrement dans lequel Dieu s’engage aux côtés des époux. Les témoins en ont une conscience d’autant plus vive s’ils sont chrétiens. Même s’ils n’ont aucun rôle spirituel « officiel », ils accompagnent les époux de leur prière.
Lorsque tous ont la foi, il n’est pas ridicule de prier ensemble ou de partager quelques idées autour de la préparation paroissiale au mariage. L’essentiel, évidemment, n’est pas de parader en grand apparat le jour J, mais de soutenir les époux par la prière, dans le bonheur et dans les épreuves, tout au long de leur vie et d’être témoins, pour eux, de l’amour de Dieu.