La réponse du père Alain Bandelier
Ce sont des interrogations que nous partageons entre prêtres, dans nos réunions amicales, ou lors de réunions pastorales. Nous faisons tous le même constat : les divorces se multiplient dans nos communautés chrétiennes.
Certes, ni la foi ni le sacrement ne sont un paratonnerre infaillible contre les orages de la vie. Dans l’histoire de chacune de nos familles, il y a des épisodes amoureux pas très glorieux, qu’on ne raconte qu’à voix basse. Mais ce qui est préoccupant, c’est qu’en termes statistiques, il n’y a plus beaucoup d’écart entre le comportement des croyants et celui des incroyants. Comme si les valeurs (si l’on peut dire) et les usages du monde avaient été adoptés purement et simplement par les catholiques.
Il est vrai que dans le domaine de l’amour et du mariage, un déplacement culturel sans précédent s’est opéré en une ou deux générations, sous l’influence convergente de facteurs multiples. Au plan psychologique, les générations actuelles ont grandi dans uen ambiance permissive. La crainte maladive de la répression ou de la frustration ont aboli le sens de la loi et même le sens de la réalité. Cela donne des profils d’adulescent immatures, égocentriques, désarmés devant les difficultés. Au plan culturel, l’imaginaire contemporain est colonisé par une représentation obsessionnelle et caricaturale de l’amour : l’utre n’est pas vraiment aimé, mais plutôt dévoré par une passion fusionnelle, ou exploité par une consommation érotique.
Cette évolution ne s’est pas faite toute seule. Elle a des racines idéologiques. Des courants de pensées ne cachent pas leur volonté de déconstruire la société traditionnelle et sa morale. Or la famille est un lieu-source pour l’une comme pour l’autre. Elle est l’ennemi à abattre en priorité. Les politiques, dont les vertus dominantes sont trop rarement le courage et la cohérence, emboîtent le pas, par crainte de perdre des vois ou de paraitre antimodernes. Tout cela est comme enveloppé et confirmé par le « progrès » scientifique et technique. La fécondité (donum vitae), vécue depuis si longtemps comme le fruit de l’amour, est désormais au pouvoir de la science. Une formule percutante du cardinal Lustiger résume la situation : « On veut faire l’amour sans donner la vie et faire de la vie sans donner d’amour ».
La première condition pour qu’un mariage ait de l’avenir, c’est que l’un et l’autre y croient. On se marie trop par inclination, c'est-à-dire en suivant la pente des sentiments. Mais le jour où la route devient étroite et montante ? Il faut se marier par conviction. En ce sens, la préparation au mariage commence dès les premières années de la vie. Que les plus jeunes sachent que le cœur humain est fait pour un grand amour. Qui va leur donner ce témoignage ? C’est un objectif pastoral trop négligé.
La deuxième condition est le dialogue conjugal. On ne répétera jamais assez qu’il est vital. Les cœurs chavirent parce qu’ils sont vides. S’aimer ne va pas sans le dire ! Deux domaines du dialogue me semblent à privilégier, ce sont en général les plus délaissés. D’une part tout ce qui touche à l’intimité sexuelle : on n’ose pas dire son désir ou ses lassitudes, ses joies ou déceptions. D’autre part tout ce qui touche à l’intimité spirituelle : si le Christ qui vous a unis n’est pas d’une manière ou d’une autre, mais explicitement, présent dans votre vie de couple, votre amour perd sa grâce. Vous lui coupez les ailes. Je suis effaré de voir le nombre d’époux baptisés qui prient avec leurs enfants, les amis, les autres et qui ne prient pratiquement jamais tous les deux.
C’est un autre défi pastoral : comment fortifier les époux dans leur vocation ? On les accompagne pour la préparation au mariage, puis on les laisse tomber. Et parfois ils tombent de haut !