Mariage de Madeleine et de Paul
Il y a des paroles en l’air et il y a des paroles qui engagent. Le « oui », ému mais ferme, que vous allez prononcer dans quelques instants, Madeleine et Paul, n’est pas une parole en l’air. Ce consentement est une parole « sur laquelle les autres doivent pouvoir compter » (Cérémonial de la promesse). Une parole qui a germé au plus profond de votre cœur, dans un climat de prière pour discerner la volonté de Dieu. Et cette parole, aujourd’hui parvenue à maturité, s’exprime au grand jour : elle scelle votre alliance pour la vie.
C’est en effet une alliance en bonne et due forme que vous contractez. Et les alliances, flambant neuves, que vous échangerez sous peu seront comme le signe visible de cette alliance inscrite dans vos cœurs. Qu’est-ce donc qu’une alliance ? Un peu d’histoire diplomatique s’impose. Tout d’abord, une alliance n’est pas une fusion, une annexion, où une nation absorberait l’autre. Non, pour s’unir, il faut être deux, chacun étant et restant unique, mais acceptant de mettre en commun ses atouts et ses richesses. Une alliance n’est pas non plus un vague compromis, un pacte de non-agression en vue d’une coexistence pacifique. Non, c’est un engagement ferme, de nation à nation, à s’entraider dans les méandres de la politique internationale. C’est que pour atteindre leurs objectifs, les nations ont besoin les unes des autres. Elles ont besoin d’alliés. Eh bien, il en va de même pour chacun de nous. Nous avons besoin d’alliés pour goûter pleinement la joie de vivre. Nous avons besoin d’alliés pour faire face aux difficultés de l’existence. Nous avons besoin d’alliés pour avancer d’un pas assuré sur le chemin de la sainteté.
Toutefois, parmi ces alliances, il en est une plus fondamentale que les autres, parce qu’elle est fondée sur la nature même de la personne humaine, je veux dire l’alliance entre un homme et une femme. « Il n’est pas bon, dit le Créateur, que l’homme soit seul. Il faut que je lui fasse une aide, une alliée, qui lui corresponde. […] Alors le Seigneur Dieu façonna une femme et il l’amena à l’homme » (Gn 2, 18.22). Magnifique cadeau qui laisse Adam bouche bée !
Vous allez donc, Madeleine et Paul, faire alliance. Or, la première chose qu’on demande à un allié, c’est d’être « fiable », c’est de mériter confiance. D’où vient cette fiabilité ? Elle vient de l’amour. C’est bien parce que vous vous aimez, parce qu’un jour vous avez compris (étonnés peut-être, éblouis à coup sûr), que vous étiez unique l’un pour l’autre, que vous ne pouviez vivre l’un sans l’autre, que vous pouviez compter l’un sur l’autre, c’est pour cela que vous concluez aujourd’hui une alliance.
Au dire des spécialistes (qui préfèrent garder l’anonymat), l’amour est un sentiment particulièrement délicieux. Mais il est clair que l’amour qui est au fondement de votre alliance, l’amour qui sera le roc de votre foyer, ne peut en rester au stade des palpitations cardiaques. Car les sentiments, comme chacun sait, fluctuent. Il y a des hauts, il y a des bas. Mais, plus profond que le ressenti, il y a la volonté et le choix personnel. Or l’amour conjugal est un choix, une décision. Un choix à revalider chaque jour. Le choix de faire confiance, le choix de se donner sans compter, généreusement, pour le bonheur de ceux qu’on aime. Non, décidément, le bonheur conjugal, n’est pas une tombola. Il n’arrive pas par hasard. Avec la grâce de Dieu, il se construit jour après jour dans le don de soi.
Bref, votre amour sera la lampe ardente, rayonnante, qui éclairera et réchauffera votre maison et tous ceux qui y entreront. Mais cette lampe il faut l’alimenter. Comment ? En retrempant votre amour à la source même de l’amour et cette source c’est Dieu. Notre Dieu qui est Amour et qui manifeste cet amour dans le Cœur brûlant de Jésus. Il vous faut donc, selon le commandement de Jésus, « demeurer dans son amour » (Jn 15, 9). Voilà pourquoi, l’alliance que vous contractez est une alliance à trois : Madeleine, Paul et Dieu. Une alliance, dont je voudrais maintenant préciser les clauses.
De votre côté, vous vous engagez envers le Seigneur Dieu à être des témoins, des signes vivants, de son amour. Votre vie de couple, votre vie de famille, doit attester que l’amour « durable » existe, qu’il est pour tout homme la source de la vraie joie et qu’il a sa source ultime dans l’union au Christ. Vous vous engagez en outre à communiquer généreusement cette joie aux enfants que le Seigneur vous confiera et, plus largement, à tous ceux qui viendront chercher auprès de vous un peu de lumière et de chaleur .
De son côté, le Seigneur Dieu s’engage à ne jamais laisser votre lampe s’éteindre faute d’huile. Il s’engage à vous donner - non seulement aujourd’hui mais chaque jour - la grâce de l’Esprit saint, c’est-à-dire la charité, ce feu divin, puisé au foyer même de la sainte Trinité et que Jésus est venu jeter sur la terre (Lc 12, 49). Car, s’il n’est pas animé par la charité, s’il n’est pas transfiguré par l’amour divin, l’amour humain peut difficilement aller au bout de lui-même et porter tous ses fruits de joie.
On m’a parlé récemment de l’existence d’avions solaires. Intrigué, j’ai consulté Wikipédia : « Un avion solaire – je cite - est un avion dont la propulsion électrique est alimentée par de l’énergie qu’il capte du soleil grâce à des panneaux photovoltaïques. Disposés habituellement sur la surface de l’aile, ils convertissent l’énergie lumineuse du soleil en énergie électrique ». Eh bien, Madeleine et Paul, vous embarquez aujourd’hui sur un avion solaire. Un bi-place, pour le moment. Votre soleil, c’est le Cœur de Jésus, foyer ardent de charité. Les panneaux photovoltaïques, ce sont votre foi, votre espérance et votre charité. De sorte que votre avion avancera dans la mesure où vous vous exposerez sans réserve au rayonnement de « l’amour de Dieu manifesté dans le Christ-Jésus » (Ro 8, 39).
Car, croyez-moi, en matière d’alliance, Dieu s’y connaît. « Vous serez mon peuple et moi je serai votre Dieu », annonce le Seigneur à ce ramassis d’esclaves qu’il est allé se chercher en Egypte pour en faire son peuple bien-aimé. Et, pour lui faire comprendre son projet, il n’a pas trouvé de meilleure comparaison que le mariage. « Je te fiancerai à moi pour toujours, promet-il à Israël ; je te fiancerai dans la justice et dans le droit, dans la tendresse et la miséricorde ; je te fiancerai à moi dans la fidélité, et tu connaîtras le Seigneur » (Os 2, 19-20). Et les promesses de Dieu ne sont pas des promesses électorales ! La preuve, c’est que, même quand les hommes l’oublient, l’abandonnent ou même le renient, Dieu persiste à leur proposer son amour. Mystère de la miséricorde. Mystère du pardon. Dieu envoie son propre Fils, Jésus-Christ, qui se présente à nous comme l’Epoux, comme celui qui vient rétablir l’alliance. Ce n’est par hasard que Jésus inaugure son ministère à Cana à l’occasion de la célébration d’une noce ! Il montre par là qu’il est, lui, l’Epoux véritable. Mais ce mariage, nous le savons, ce n’est pas à Cana, c’est sur la Croix que Jésus l’a consommé. C’est là qu’il s’est donné jusqu’au bout. « Le Christ, dit saint Paul, a aimé l’Église : il s’est livré pour elle, afin de la sanctifier en la purifiant […] car il voulait se la présenter à lui-même toute resplendissante » (Ep 5, 25-27), « toute belle comme une épouse parée pour son Epoux » (Ap 21, 2). « Il n’y a pas de plus grand amour que celui-ci : donner sa vie pour ceux qu’on aime » (Jn 15, 13). C’est en son sang, c’est-à-dire en donnant sa vie par amour, que Jésus a scellé pour toujours l’alliance entre Dieu et les hommes.
C’est de cette alliance-là, Madeleine et Paul, dont vous devenez aujourd’hui les témoins. Pour être à la hauteur de cette mission, il n’y a pas trente-six solutions. Il y a l’eucharistie, le sacrement de l’amour. En communiant ensemble, vous recevez le Christ qui se livre par amour, le Christ qui vous entraîne dans son offrande. Le Christ qui vous rend capables, par lui avec lui et en lui, de faire de votre vie un grand acte d’amour à la louange de Dieu le Père. Tel est, Madeleine et Paul, le fondement indestructible de votre alliance.