Inquiète de voir tant de couples se séparer, Aimée se demande si l’amour peut durer toute une vie. Nous lui répondons en lui confiant cinq secrets de longévité. Pour que l’engagement des débuts s’appuie sur le Dieu d’amour, qui reste toujours fidèle.
Mais si, ma chère Aimée, la fidélité et l’amour qui dure, ça existe. Et j’espère bien que ton prénom ne mentira jamais, que tu seras aimée toute ta vie par ton « chéri » ! Peut-être pas comme tu l’imagines, avec les émois romantiques des premiers temps, quand le sentiment prédomine et le cœur bat la chamade. Mais dans un amour transformé, dont on oublie trop souvent les secrets de longévité. Voici mes cinq préférés.
Oser l’engagement. Nous oublions trop que l’amour implique la raison et la volonté. Décider de concrétiser l’amour en se mariant, c’est mûrir un discernement et faire un choix. Dans le rituel du mariage, on ne demande pas aux époux s’ils s’aiment, mais : « Veux-tu prendre pour époux, pour épouse ?… » La vraie aventure d’une vie libre, écrivait en substance Christiane Singer, c’est d’oser l’engagement : « Libre est sans doute celui qui ayant regardé en face la nature de l’amour – ses abîmes, ses passages à vide et ses jubilations – sans illusions, se met en marche, décidé à en vivre coûte que coûte l’odyssée, à n’en refuser ni les naufrages ni le sacre, prêt à perdre plus qu’il ne croyait posséder et prêt à gagner pour finir ce qui n’est côté à aucune bourse : la promesse tenue, l’engagement honoré dans la traversée sans feintes d’une vie d’homme. »
Enchanter le quotidien. Pour durer, ma chère Aimée, n’oublie pas d’entretenir l’émerveillement face à l’autre. Comment ? Par la tendresse, l’humour, la confiance, les compliments, les « je t’aime », les petites attentions, les week-ends en amoureux… et aussi par la vigilance, la franchise, le pardon : ne pas garder pour soi ce qui nous choque, nous questionne et nous fait de la peine, mais le dire à l’autre et en parler, conseille le Père Castaignos dans Se marier et durer. Comme dit Gary Chapman, il faut se redire oui tous les jours de la vie.
Connaître les saisons. L’amour a ses saisons et mieux vaut en être conscient, d’autant que les cycles se succèdent et ne se ressemblent guère. L’hiver succède au printemps sans prévenir, quand le pays voisin connaît un été paisible : l’un des conjoints traverse seul un moment de vide, de colère ou de combat. Dieu sait qu’il faut avoir laissé mûrir sa solitude intérieure et forger son identité pour se confronter à l’autre, à son identité propre, à son rythme. Or, la vraie relation d’amour est celle qui accueille la différence radicale de l’autre. « Aimer purement, c’est consentir à la distance, c’est adorer la distance entre soi et ce qu’on aime », écrivait Simone Weil.
Accueillir ses fragilités. Les siennes, d’abord, puis celles de l’autre. Impossible d’aimer longtemps sans opérer un travail sur soi, sans passer par une conversion personnelle. Car, la vie commune met en relief les problèmes de chacun : difficultés à reconnaître ses limites et celles de l’autre, assumer les divergences dans l’éducation, le poids du passé, le changement des corps, etc. À l’origine des infidélités, il y a souvent la croyance que ce sera mieux ailleurs, alors qu’on emporte ses problèmes avec soi, comme la tortue sa carapace. Pour autant, « les épreuves ne sont pas en mariage le signe qu’il faut clore l’aventure mais souvent, bien au contraire, qu’il devient passionnant de la poursuivre, assure Christiane Singer […] Mieux vaut encore mettre l’autre à dure épreuve que lui manifester une bienveillance de bon aloi qui n’engage à rien. À partir de cette authenticité qui provoque, écorche et dérange, le chemin mène au mystère de l’être. La relation falote, tout occupée à éviter la friction, mène, elle, au néant. »
Entrer dans une relation… à trois. C’est-à-dire avec Dieu. C’est l’énorme avantage du mariage chrétien, les époux ne sont pas seuls. Ils se donnent l’un à l’autre devant Lui, promettant de s’aimer dans une fidélité perpétuelle, comme le Christ a aimé l’Église et s’est livré pour elle. Je suis frappé, ma chère Aimée, par cet amour inconditionnel de Dieu, qui nous offre sa miséricorde quels que soient nos reniements. Il nous apprend à aimer en premier, sans rien attendre de notre conjoint. Pas toujours facile ! Mais Il est avec nous et donne sa force quand il faut monter jusqu’au Golgotha, aider l’autre à porter sa croix, essuyer le visage de celui qui pleure… C’est vrai, il y a de quoi se sentir parfois écrasé par les épreuves de la vie. Mais si la grâce du sacrement nous est donnée au jour le jour, ce serait dommage de ne pas y puiser et de s’agiter pour régler ses problèmes tout seuls, quand le Seigneur est là.
Pour revenir à ce « toujours » que tu évoquais dans ta lettre et à ces étapes nécessaires de mûrissement dans une vie de couple, je termine sur l’image des Noces de Cana choisie par Benoît XVI : il compare le sentiment amoureux des débuts au « premier vin » servi aux invités. Il faut qu’ensuite vienne un « autre vin », qui se soit bonifié en vieillissant : c’est « l’amour définitif » ; et ce second vin est « meilleur que le premier » !
Voilà ce que je te souhaite, rester assez longtemps aux noces et danser jusqu’à la nuit. Pour cela, il faut avoir eu la patience d’attendre et ne pas partir en croyant le vin épuisé. Et s’il venait à manquer, tourne-toi vers Marie. Elle connaît le secret des secrets, celui du cœur de son Fils.
Emmanuel Bourceret