L'amour aujourd'hui... bafoué, sali, parodié, perverti. De quel amour l'Eglise parle-t-elle ? Qu'est-ce que l'amour vrai ?
L'amour a de tout temps fait battre les cœurs et on le voit bien, chacun de nous le reconnaît, il n'y a pas de plus grandes blessures que celles de l'amour. L'amour finalement aujourd'hui est un mot "perverti" : on l'emploie à toutes les "sauces".
Mais celui qui nous intéresse, c'est celui qui fait le lien entre les hommes, c'est-à-dire un équilibre entre un amour spirituel qui cherche à aimer l'autre pour lui-même et un amour passionnel. Cet équilibre est délicat, car l'amour passionnel doit toujours être au service de l'amour spirituel. L'amour fidèle, le véritable amour, celui qui naît de la volonté d'aimer, l'amour spirituel, est un amour qui prend patience, qui ne s'enfle pas d'orgueil pour reprendre 1 Co 13, c'est un amour oblatif , un don de soi toujours renouvelé par la volonté d'aimer l'autre pour ce qu'il est.
"Je te reçois comme époux(se) et je me donne à toi", c'est dans cette phrase du sacrement de mariage que cela prend tout son sens. Tel un cadeau que l'on quitte, il faut pour aimer se quitter, s'abandonner, tel est à mon sens le véritable amour, tel est le signe de l'amour oblatif du Christ sur la croix donnant sa vie pour le monde.
"Il faut bien essayer avant de se marier pour savoir si ça marche... " Est-il possible, dans une relation de confiance totale et réciproque que le don des corps ne soit pas réussi ? Quand bien même ce serait, est-ce un élément déterminant dans la vie d'un couple?
Pour "voir si ça marche", il est communément accepté en effet, qu'il faut vivre l'amour à l'essai pendant quelque temps. Ensuite, c'est du "satisfait ou remboursé". Au fond, nous sommes dans une société où la perte de nos repères crée en nous le besoin d'essayer quelqu'un pour savoir si on va l'aimer tout le temps.
A ceci, je répondrais qu'il y a dans cette attitude quelque chose de tout à fait condamnable car on ne peut prétendre essayer quelqu'un comme on essaie un vêtement (on dit bien de quelqu'un qu'il change de fille comme de chemise). Une relation humaine ne s'essaie pas, d'abord parce que si l'on s'engage sur la vie il faudrait que l'on essaie très, très, très longtemps, ensuite, parce que les événements de la vie peuvent changer le cours des choses. Enfin et surtout, je ne peux pas donner ce qu'il y a de plus intime en moi, comme un cadeau à quelqu'un qui, du jour au lendemain, me dira "redonne moi ce que je t'ai donné". Les enfants disent très justement "donner c'est donner, reprendre c'est voler".
Je n'ai pas idée d'offrir quelque chose que je ne quitte pas, ou d'offrir quelque chose mais pour une durée limitée dans le temps, ou conditionnée par les événements.
L'amour spirituel, c'est celui qui veut aimer l'autre pour ce qu'il est, et non pour le plaisir qu'il me donne. Le don des corps, source de plaisir et de joie, est donc soumis à l'amour spirituel. Je ne peux me donner à quelqu'un qui ne m'aime pas, ou qui m'aime à l'essai.
Ce n'est pas parce que, dans l'ordre de l'expérience, l'union des corps aura du mal à se faire, que le don de soi et l'amour spirituel ne peuvent pas s'épanouir. C'est un faux prétexte. Le don des corps peut parfois mettre plusieurs années à s'épanouir correctement dans un couple, il est rare que les premières unions soient "réussies".
Comment la sexualité s'intègre-t-elle à la vie d'un couple chrétien ?
La sexualité fait partie intégrante de la vie d'un couple, elle vient approfondir l'union des cœurs. Mais la don des corps doit conserver sa dimension spirituelle qui est de vouloir se donner à l'autre en voulant le plaisir de l'autre, et non le plaisir pour soi. Si le plaisir, un don de Dieu, peut être vite perverti, c'est que l'on peut facilement le détacher du don pour le ramener à soi. C'est ici qu'il faut être vigilant si l'on veut épanouir l'autre.
La sexualité a été disséquée par une mentalité libertaire qui consiste à dire qu'il faut la libérer. On a vu les conséquences de cette libéralisation de la sexualité en passant de l'infidélité à la pornographie, et finalement on l'a banalisée à tel point qu'avoir une relation sexuelle sans amour est aujourd'hui communément accepté.
Et puis il y a la dimension de l'ouverture à la vie, qui est la clé de l'épanouissement de la relation quand elle porte son fruit, il y a là une seule chair : notre enfant.
La fidélité et la durée... on en vient parfois à se demander si cela existe encore ! Comment expliquer que tant de personnes laissent mourir leur amour ? Est-ce que cela ne vient pas justement d'une conception erronée de ce qu'il est ou devrait être?
C'est cette confusion entre l'amour oblatif, le don de soi, et l'amour passionnel qui est à l'origine de tant de souffrance chez les couples, y compris chez les jeunes couples.
C'est ce que j'appelle l'erreur de Narcisse, c'est-à-dire l'erreur de celui qui veut prendre ce qu'il aime. Il ne reste alors qu'un goût de nostalgie qui fait dire à certains couples : "nous avons encore de bon moments" et au couple du recueil "Toi et moi" : "reprends près de moi ton ennui, et moi près de toi je reprendrai ma solitude".
Narcisse cherche le complément de lui-même dans l'image qu'il aperçoit, mais il est déçu, car il ne peut prendre ce qu'il cherche. L'amour ne se prend pas, il se donne, et il se donne librement. Si dans un couple il y en a un qui donne et l'autre qui prend, cela ne peut fonctionner. Car il y en a un qui est insatisfait, et l'insatisfaction crée l'ennui parce que ce que nous voulons prendre n'arrive pas à combler notre soif d'absolu.
La fidélité et la durée dans l'amour sont des épreuves qui n'échappent à personne, et la seule solution est le mouvement de don, qui est la finalité profonde qui seule rend en plénitude ce à quoi nous aspirons.