Éros exprime l'élan de l'aimant vers l'être de son amour, l'aimé. L'Éros n'est pas une recherche de plaisir ; c'est une force qui saisit tout l'être qui aime et lui fait chercher l'être aimé pour le revêtir de son amour. L'aimé revêtu de l'amour de l'aimant acquiert une bonté, une beauté, il est grandi par cet amour donné. Et l'aimant se réjouit de la bonté et de la beauté de l'aimé qui livre ainsi la transparence du don d'amour.

Il est vrai, par contre, que le mot « éros » a subi une grave dévaluation qui s'entend surtout quand on passe de Éros à érotique ou de Éros à érotisme. Érotique signifie la recherche du plaisir sensuel pour la seule satisfaction des demandes de jouissance du corps. L'érotisme est la théorie qui justifie cette recherche. On aime le corps de l'autre pour en jouir dans ses valeurs sexuelles captées par la demande de l'aimant pour la satisfaction de ses besoins de plaisir sensuel. L'aimant n'est plus la personne qui se donne, mais celle qui demande et qui prend. Elle jouit du corps, le sien ou celui d'un autre, non en raison de ce qu'elle lui a donné, mais parce que ce corps est venu combler son besoin de plaisir. Dans ce cas, le corps devient objet. Il perd sa qualité de sujet, c'est-à-dire de signe de la personne, pour devenir instrument de jouissance. La personne est dégradée, l'Eros s'éteint, le plaisir érotique flambe.

"Eros" et "érotique" n'ont pas la même sémantique. Mais leurs différence ne vient pas de ce que l'un signifie un élan mystique et l'autre un plaisir du corps. Le plaisir du corps peut-être un véritable éros, il peut aussi n'atteindre qu'une jouissance sensuelle donc qu'une érotisation de ses possibilités de don. Limiter le corps à la jouissance sensuelle, c'est le contraindre à n'être qu'un objet érotique. Par conséquent c'est tuer son Eros.

Ce qui fait la différence n'est évidemment pas le plaisir. Car le plaisir dépend de la qualité de l'acte qui l'engendre. Ce qui fait la différence, c'est l'acte lui-même. Quel est l'acte de la personne ? Se donner ou jouir ? Recevoir et répondre ou capter ? Si, dans l'acte conjugal, les corps des époux se donnent l'un à l'autre en vue d'atteindre principalement un plaisir, fût-il partagé, si leur une union est principalement une recherche de ce plaisir, ce qui sera atteint, c'est la jouissance érotique. Si dans l'acte conjugal, ce qui est recherché dans l'union des corps, c'est le don généreux et radical, ce qui est atteint est l'Eros qui s'accompagnera d'un grand plaisir, de la joie de ce don mutuel.

Que signifie le « don » dans l'acte conjugal ? C'est le bien de l'acte amoureux qui incline la personne aimante à mesurer son élan à la personne de l'autre pour l'enrichir de sa propre substance.

Le mari ne se donne pas à la femme pour le plaisir de la femme, ni même pour la satisfaction d'avoir « vu » jouir sa femme. Il se donne à la femme pour qu'elle reçoive de lui la certitude de son amour, la force de sa masculinité, la véhémence de son énergie, et surtout sa propre personne dans les déterminations individuelles de son être. Cela exige que l'époux prenne la responsabilité de sa sexualité et la mesure aux exigences du corps de l'épouse, qu'il respecte ses rythmes, qu'il comprenne sa sensibilité, qu'il dispose sa sensualité à être accueil de son don, qu'il veuille l'atteindre dans la profondeur spirituelle de ses attentes amoureuses. S'il se donne ainsi, la femme, « sa femme », s'enrichit de la masculinité de son époux. Elle acquiert une énergie d'amour qu'elle n'avait pas auparavant, sa sensibilité se pare de composantes nouvelles, sa sensualité se précise et devient plus sponsale, ses rythmes, loin d'être un fardeau, deviennent, dans ses variations, autant de façons différentes de répondre à l'initiative de l'époux. Son visage acquiert un rayonnement que la maturité stabilise. Enrichie ainsi, elle devient pour lui la bien aimée, elle fait la joie de son époux. L'amour de son époux est Eros.

De même la femme ne se donne pas à l'homme pour obéir au devoir de lui faire plaisir, pour remplir l'obligation de satisfaire des besoins plus ou moins anarchiques, pour apaiser la tyrannie de ses demandes de plaisir sensuel. Souvent, quand on entend un homme dire que sa femme « se donne », il faut comprendre non seulement qu'elle ne s'est pas refusée, mais qu'elle a réussi à ce qu'il soit satisfait. La femme se donne à l'homme pour enrichir la sexualité de l'homme de sa propre féminité, c'est-à-dire pour la compléter et la porter à sa plénitude. D'extérieure, elle l'a rendue intérieure, car c'est dans le secret de son sein à elle que l'amour se consume. En recevant, dans son intimité, le corps de son époux, elle a la capacité de faire que son acte sexuel devienne un véritable don de lui-même, c'est-à-dire un acte conjugal. Car le don exige d'être reçu à l'égalité de son dépouillement. En le recevant dans la variété de ses rythmes, elle l'arrache à la monotonie et en augmente le désir et le goût. En répondant à son initiative, par la correspondance symbiotique à l'élan qui monte en elle, elle a la capacité de transformer une satisfaction en plaisir, un plaisir en joie et une joie en gratitude exaltante. Elle seule le peut, car elle seule peut accepter ou refuser. Et surtout, elle seule, la femme, peut rendre fécond, c'est-à-dire porter jusqu'au véritable bien de la personne, l'acte de l'homme en accueillant, dans une communion de vouloir, une fécondité, c'est-à-dire, une transmission du mystère de la personne.

L'acte conjugal a une dimension sacrée. Non parce qu'il a comme finalité le plaisir, mais parce qu'il est le signe du don des personnes. Cependant, attention ! Ce don sponsal s'inscrit dans le corps et pas seulement dans l'âme ou dans l'intention. Et pour qu'il s'inscrive dans le corps, il faut connaître le corps, celui de l'homme, comme celui de la femme. Connaître le corps exige de le voir jusque dans l'humilité des replis concrets qui permettent à l'homme et la femme de se donner entièrement. C'est dans leur corps que l'homme et la femme créés pour être « une seule chair » deviennent Éros l'un envers l'autre. Devenir Éros, ce n'est pas sublimer l'érotique dans la mystique, c'est devenir, d'une façon unique « image et ressemblance de Dieu », du Dieu qui lui-même est Éros parce qu'il est « Don des personnes ».

Mais, pour aider les époux à devenir ce qu'ils sont, il faut cesser de penser qu'il suffit de prêcher les grandes vérités de l'amour sans jamais avoir le courage de montrer comment elles se réalisent dans l'humilité du corps.

 

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