DuchesneLors de notre mariage, nous avons accepté avec bonheur « le rôle d’époux et de parents ». L’ouverture à la vie, à la fois dans la fécondité « humaine » de notre couple, à travers les rencontres, les engagements, mais aussi par le fait de transmettre la vie, c’était en bonne place dans notre projet de vie.

Mais que faire quand il n’en est pas ainsi ? Bien sûr, on peut « sublimer » son désir, être fécond de mille autres façons… mais il était très difficile pour nous d’imaginer la vie sans enfant. Si nous avons partagé d’excellents moments de vie à deux au cours de cette période, nous avons dû aussi faire face à une dure réalité : celle de ne pouvoir devenir parents « naturellement » ; la route fut longue et semée d’embuches avant qu’Adèle nous permette d’accéder à ce « statut » de parent. Nous avons eu un parcours de « procréation médicalement assistée » que nous assumons (nous avons éclairé nos consciences par des lectures, des rencontres avec des prêtres) mais qui n’a pas débouché sur la conception d’un enfant.

Nous avons alors fait le choix de l’adoption, qui est un chemin long et difficile avant de se concrétiser. Notre désir et notre souffrance pouvaient sans doute rejoindre la souffrance et le désir de vie d’un enfant né quelque part sur la planète. Adèle, notre fille, est arrivée d’Inde 9 ans après notre mariage pour notre plus grand bonheur. Son arrivée nous a permis de devenir parents et de fonder notre famille. Quatre ans après, nous sommes allés chercher notre fils, Stanley, à Haïti, deux ans et demi après qu’il nous ait été confié. Nous avons partagé une semaine chez les Sœurs Missionnaires de Port-au-Prince… et nous avons eu la grâce de les voir à l’œuvre, puisant leur force et leur énergie dans le Christ.

Nous aurions souhaité agrandir la famille mais la difficulté de l’attente, l’énergie nécessaire à l’accueil d’un enfant « grand » (4 ans et demi pour notre fils à son arrivée)… ont orienté notre vie autrement. Aujourd’hui nous sommes une famille comme les autres et différente. Comme les autres parce que vivant les mêmes joies, les mêmes difficultés que les autres. Pour nous, il n’est pas imaginable que nos enfants aient pu être différents de ce qu’ils sont. Ils sont nos enfants pour la vie. Différente par le regard, les questions posées par les gens (qui peuvent blesser nos enfants lorsqu’on leur dit que nous ne sommes pas leurs « vrais parents »). Nos enfants ont bien sûr accès à toute leur histoire… mais sont encore dans l’enfance. Nous avons eu le plaisir de faire un voyage en Inde en famille à la demande de notre fille. Nous nous préparons à des questionnements qui pourront être douloureux à l’adolescence : pouvoir construire son identité sans savoir à qui s’identifier, être régulièrement renvoyé à sa différence, vivre le syndrome Bounty (se sentir noir à l’extérieur et blanc à l’intérieur), assumer une double généalogie, être confronté au racisme, aux préjugés sur la couleur…

Nous avons une vraie reconnaissance envers nos enfants et envers ceux qui nous accompagnés pour devenir parents. Adèle et Stanley sont pour nous cadeaux de la vie, de l’Amour qui vient de Dieu, comme le sont les enfants qui naissent dans les autres familles.

Vincent et Béatrice DUCHESNE, mariés depuis 19 ans, parents de 2 enfants (11 ans et 10 ans), couple accompagnateur CPM , Membres du CMR, diocèse d’Angers.