La vie quotidienne est faite aussi de blessures mutuelles. Comment trouver le chemin du pardon ? Marie-Odile et Jean-Paul Redouin, du mouvement « vivre et aimer » nous font part de leur expérience.

 

Notre quotidien est traversé de ces petites phrases, de ces attitudes qui blessent l’autre, de ces menues critiques que nous disons parfois machinalement : « Tu es toujours en retard », « Pour ça, il ne faut pas compter sur toi… ».

Nous avons souvent pris l’habitude de taire ces petits accrocs. Nous les enfouissons en nous et essayons de les oublier. Ainsi, insensiblement, nous nous éloignons de l’autre, et, tout simplement, nous nous privons d’un potentiel de vie.

Pourtant, notre relation peut être considérablement enrichie, su nous acceptons de regarder, de communiquer et de dialoguer sur ces blessures. Notre expérience, dans ce domaine, nous a fait repérer quatre étapes.

 

La première étape est de reconnaître que je t’ai blessé ou que je suis blessé.

M-O Redouin : pour moi, qui viens d’être blessée, la tentation est grande de minimiser ma souffrance. Tu ne me demandes pas de nouvelles de ce rendez-vous chez le médecin que j’appréhendais. Je suis déçue mais je me dis : il a tant de choses à penser à la banque, c’est normal qu’il oublie. Tu ne remarques pas ma nouvelle tenue, le bon petit plat que j’ai préparé. Je suis déçue mais je me dis : ce n’est pas grave, n’en faisons pas une histoire. La générosité est un autre piège : je crâne en cachant ma peine, je ne veux pas t’ennuyer avec ça. Tu te décommandes à la dernière minute pour une réunion, je garde ma déception pour moi, je m’isole, je me durcis et je te dis : « Ce n’est pas grave, j’assumerai sans problèmes ».

J-P Redouin : Pour moi qui viens de te blesser, le piège est souvent de ma disculper, de me justifier, de me racheter : tu me dis ta gêne de me voir faire une réflexion désagréable à quelqu’un qui nous passe devant dans la queue. J’essaye de me disculper en t’expliquant que, dans la vie, il ne faut pas tout le temps se laisser marcher sur les pieds. J’ajoute qu’il n’y a vraiment pas de quoi en faire une histoire : je veux te prouver que c’est toi qui grossis les choses et je refuse d’assumer la responsabilité de la blessure que je t’ai faite. Je me regarde, je suis centré sur moi et non sur notre relation. Quand tu partages avec moi ce qui t’a fait mal et dont je suis la cause, il m’arrive souvent de te répondre : «  Excuse-moi, je ne l’ai pas fait exprès, je ne me suis pas rendu compte que je te faisais mal ».

Je me mets en colère : ni toi, ni les enfants n’êtes prêts à partir à la messe. Je me rends compte que j’ai mis de l’électricité dans l’air en ce dimanche détendu, je suis mal à l’aise. Alors, pour me racheter, dès notre arrivée à la messe, je me montre souriant, tendre. J’ai envie de me soulager en effaçant ce mauvais moment, de retrouver ma bonne conscience pour aborder la messe. Je ne pense pas à toi, mais à moi. Tous ces pièges nous empêchent de prendre conscience de ce qui nous sépare l’un de l’autre. Ils nous donnent l’illusion que nous pouvons passer à côté de la souffrance. Il nous faut, d’abord, arriver à les déjouer pour accéder au pardon et à une relation plus vraie.

 

La deuxième étape est de faire mienne ta blessure et de reconnaître ma responsabilité

JPR : pour entrer dans une démarche de pardon sincère, j’ai besoin de connaître ta blessure, de la comprendre, de l’écouter avec mon cœur. Bien comprendre ta blessure me permet de reconnaître ce qui, dans mes mots, mon attitude, a pu te blesser. Pour savoir ce que tu vis, je vais te demander non pas « Pourquoi es-tu blessée ? » mais « Comment te sens-tu blessée ? Peux-tu me décrire ta souffrance ? ».

En me décentrant, en sortant de moi pour entrer dans ta déception, dans ta tristesse, je peux te demander pardon en connaissance de cause.

MOR : je te blesse quand j’ironise sur la fatigue que tu partages avec moi en te levant, alors que tu as fait la grasse matinée. Je comprends ce qui te fait mal quand je réalise les peurs que tu as face à ta santé, face au fait de vieillir, de ne plus être aussi efficace, performant. Comprendre tout cela m’aide à te demander pardon de façon plus sincère.

 

La troisième étape est de demander pardon.

MOR : Pour moi, trouver les mots pour demander pardon est difficile : ils m’humilient. Je m’en tire en disant « excuse-moi », ou bien « je regrette » ou encore « je suis désolée »… Pourtant, plus j’entre dans l’écoute de ta souffrance, plus les mots sont faciles à dire. Si je reste centrée sur moi, si je suis incapable de reconnaitre ma responsabilité, les mots me seront difficiles à dire et je vais utiliser des succédanés.

JPR : Pour moi, les mots « je te demande pardon parce que j’ai fait mal », ne sont pas très difficile à dire. J’ai surtout besoin de percevoir que tu n’es plus en froid avec moi. Je les dirai facilement pour passer l’éponge, mais je ne pense pas vraiment à toi, à ta souffrance. Je dis souvent ces mots très vite, avant même de savoir. Je cherche avant tout à m’assurer que tu n’es plu fâchée.

Les attitudes sont importantes : dans une demande de pardon authentique, nous n’aurons pas de mal à nous regarder dans les yeux, à nous blottir dans les bras l’un de l’autre. Si nous n’avons pas pris le temps de comprendre vraiment l’autre, nos corps sont raides, ne regards fuyants et notre tendresse impossible à libérer.

 

La quatrième étape est d’accueillir la demande de pardon.

Quand j’accueille ta demande de pardon, je vois tout l’amour qu’il t’a fallu à toi pour reconnaître le mal que tu m’as fait… Quand je regarde ma blessure, je m’ouvre à la réconciliation avec moi-même et à la guérison. Je me suis senti blessé parce que tu as touché en moi un point sensible. Tu as réveillé en moi une blessure profonde. Par ta demande de pardon, tu m’aides alors à mieux la connaitre et l’assumer. Si j’accueille ta demande de pardon de façon froide, distante, condescendante, je bloque toute possibilité à notre relation de s’enrichir, je paralyse tout un chemin de guérison.

JPR : Je t’ai dit ce matin : « Je n’aime pas beaucoup tes cheveux qui retombent en trop lourdes franges sur ton visage, je les aime mieux relevés ». Je me rends compte, à la vivacité de ta réaction, que je t’ai blessée et je te demande pardon après avoir pris le temps de comprendre ce que tu vis.

MOR : Je te réponds « Merci, c’est très gentil, bon, ça va, n’en parlons plus ». Ce matin là, je n’ai pas pu vraiment te pardonner, tellement j’avais mal. Je n’ai pas pu aller voir où étaient mes blocages sur mon physique. Je me suis privée de tout un chemin de réconciliation avec ce que je n’aime pas dans mon corps, mes cheveux trop plats et trop raides. Je n’ai pas pu regarder mon insécurité profonde et ses conséquences. En effet, je cherche insatiablement à me faire reconnaitre par les autres. J’ai besoin d’être valorisée grâce à mon envie de séduire et ma manière de me vêtir.

 

Si l’accueil de la demande de pardon est parfois raté, il peut aussi être réussi.

MOR : Tu rentres tard du travail ce soir là. Je te dis : « Désolée, on a dû se mettre à table avec les enfants ». Cette remarque te fait mal.  Tu tentes de l’assumer au mieux, je te vois triste, renfermé pendant cette fin de repas que tu attrapes au vol. je suis émue, je cherche à savoir comment tu te sens blessé et je te demande pardon.

JPR : Un peu plus tard, ému par cette relation renouée, je pourrai vraiment regarder ma blessure. Tout vient de mon hyper-susceptibilité à propos de l’équilibre entre mon travail et ma famille. Je reconnais mon insécurité profonde, je veux plaire à tous, je suis écartelé et souvent découragé. Je n’arriverai jamais à être le « père idéal », le « mari idéal » et le « directeur idéal ». Ta démarche de pardon prouve que tu m’aimes comme je suis, me redonne confiance et m’aide à me réconcilier avec moi-même.

 

 

 

 

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