Nous allons parler du plus bel idéal : se marier, fonder un couple uni. Pour l’être humain, cet accomplissement passe en principe avant tous les autres. Beaucoup d'hommes et de femmes veulent s'unir en mariage pour fonder un couple fidèle. Ne croyons pas que le bonheur conjugal soit réservé à un petit nombre de personnes, celles qui ont eu de la chance. Nous ne pensons pas non plus que c’était mieux avant, ou bien encore que le mariage et la vie de famille soient plus faciles sous d’autres cieux. Chacun d’entre nous peut trouver en soi, dans sa personnalité, tous les éléments pour réussir à deux. La clé d'un tel couple est le véritable amour entre homme et femme. Or celui-ci a une histoire. L’être humain apprend à aimer les autres, à vivre avec eux et pour eux. Depuis notre plus jeune âge, nous pouvons nous préparer à vivre un jour une vie de couple épanouie et heureuse. Pour réussir notre union, nous pouvons réfléchir au véritable amour, aux rôles de l'homme et de la femme, à la raison d'être du mariage, au sens de la fidélité. Les réflexions qui suivent pourront peut-être vous aider.

 

1. AIMER : UN ART QUI S'APPREND

1.1. Nous sommes nés pour nous marier

Le dictionnaire nous apprend que « le mariage est l'union légale d'un homme et d'une femme ». Avouons que ce n’est pas très romantique. Mais c’est ainsi : le contrat de mariage est un des actes légaux les plus importants de la vie en société. Par ailleurs, dans toutes les religions, l'union nuptiale est un acte sacré, accompagné de nombreuses cérémonie et l’Eglise catholique en a fait l’un des sept sacrements.

Cependant, pour l’immense majorité des jeunes et des moins jeunes qui se marient, le mariage représente surtout l’espoir de trouver le bonheur à deux, dans le couple, et de pouvoir créer un foyer uni et heureux. Nous ne pouvons pas concevoir le mariage sans plénitude affective, sans quête de l’amour profond et du bonheur.

Par l’acte du mariage, un couple s’efforce d'exprimer pour le public un lien d'amour entre un homme et une femme qui se sentent appelés à vivre l'un pour l'autre. Un mariage basé sur l'amour marque l'achèvement de notre être, sa plénitude, et la plus belle contribution que nous pouvons faire pour nos semblables. En effet le bonheur nuptial, le sentiment d'accomplir le but de sa vie au bras de l’être aimé, n'est ni privé, ni égoïste. Il est sacré. Le jeune couple vit une félicité radieuse, qui élève et purifie la société

Chaque mariage est un peu le mariage de l’humanité entière à travers les noces de deux élus. Ils sont le roi et la reine d'un jour, même s’ils sont de condition modeste. Là est l’empire de l’amour, sa capacité de réunir tous les êtres autour d’un point central bienheureux. Aussi peut-on que dire l’unité de base de la société, le ciment de la vie sociale, ce n'est pas l'individu, si brillant soit-il, mais le couple, véritable achèvement de l'humanité. La mort produit le même sentiment de sanctification collective. La personne envoyée dans l'autre monde, tout comme la personne qui se marie, nous ramène à l'essentiel : la vie de l'âme, du cœur. Le mariage et les funérailles ont lieu dans ce monde, sans être de ce monde ; ils nous ramènent à une patrie originelle des êtres humains, qui est le monde du cœur et des sentiments, plus net, plus pur, plus vrai que le monde social imparfait

Mais le bonheur de époux est aussi intime, et personnel : le ‘‘toi’’ et le ‘‘moi’’ ne font qu’un dans l’amour. Nous éprouvons la vraie liberté, la vraie paix, la vraie unité, la vraie joie. Selon le poète Tagore, ‘‘L’amour est l’ultime signification de tout ce qui nous entoure. Ce n’est pas un simple sentiment, c’est la vérité, c’est la joie qui est à l’origine de toute création.” Et cette joie du mariage, un seul être nous le donne, un être avec lequel nous voulons vivre toujours. Au moment de fonder un couple, nous réalisons que nous sommes venus au monde pour connaître l’amour, pour nous marier. Le mariage est la raison d’être de notre vie, la clé de notre destinée. On considère en général ceux qui ont réussi leur vie de couple comme les gagnants de l’existence.

Mais que veut dire réussir sa vie de couple ? Comment un homme peut-il continuer de ‘‘trouve la joie dans la femme de sa jeunesse.’’ ? Comment une femme peut-elle continuer de goûter le même bonheur ? En général, la réussite du couple ne doit rien au hasard ni à la chance : elle résulte d'un apprentissage. Il est important de savoir se marier. Alors, que devons-nous savoir au juste, pour apprendre à bien nous marier ? Beaucoup pensent que la question ‘‘qui’’ est centrale pour réussir son mariage, qu'il s'agit de trouver le bon partenaire. En fait les questions ‘‘pourquoi’’, ‘‘comment’’ et "quand" sont plus importantes :

ALLER A L’ESSENTIEL :

Qui vais-je aimer, qui vais-je épouser, n’est pas la question essentielle.

Pourquoi se marier ? Quel est le but de ma vie ? Cela est plus important. Plus ma vie aura de sens et de valeur, plus je garderai cet être auprès de moi. Ma conscience sait si ma vie a de la valeur.

Comment créer un couple est la deuxième question clé. Avoir une vision juste et équilibrée de son propre sexe et du sexe opposé est une clé pour savoir se marier.

Quand se marier est aussi une question importante. Le mariage suppose la maturité du caractère, de la vie affective.

 

Qui vais-je aimer, qui vais-je épouser, n'est pas la question essentielle. Nous avons tendance à rêver d’une personne agréable, charmante et séduisante. Ce n’est pas ainsi que nous réussirons un mariage basé sur un véritable amour, en général.

Pourquoi se marier ? Quel est le but de l'existence, le but de ma vie ? ce sont les questions premières à se poser. Je suis né pour me marier, pour donner ma vie à un conjoint. Je dois vivre pour cet être, pour le combler. Plus ma vie aura de sens et de valeur, plus je garderai cet être auprès de moi. Ma conscience sait si ma vie a un sens et une valeur

Comment créer un couple est la deuxième question clé. Un couple, c'est l'harmonie du masculin et du féminin dans l'amour. Avoir une vision juste et équilibrée de son propre sexe et du sexe opposé est une clé pour savoir se marier. L'homme apprendre à connaître l'essence de la femme, sa féminité. La femme apprend à connaître l'essence de l'homme, sa masculinité. Comment apprendre cela est essentiel.

Quand se marier est aussi une question importante. Le mariage est le plus fruit de la jeunesse et marque l’entrée dans la vie active, plus que la profession. Il suppose la maturité du caractère, de la vie affective.

 

1.2 Liberté, désir et amour

Progressons dans la définition du mariage. Le mariage est l'union de l'homme et de la femme dans l'amour. L'amour est une attraction émotionnelle entre deux êtres complémentaires. Dans l'amour conjugal, la masculinité et la féminité s'attirent mutuellement, et l'on dit que l'homme et la femme sont amoureux. L'être humain n'est pas le seul à vivre par paires. La dualité du masculin et du féminin est universelle. Dans le monde minéral, on dira positivité et négativité. La fécondation dans le règne végétal est assurée par l’étamine et le pistil. Les animaux se reproduisent à travers les relations sexuelles entre mâle et femelle. Enfin, l’humanité se compose d’hommes et de femmes. L'Orient appelle yang et yin ces caractéristiques duelles de tous les êtres.

Le déterminisme de la nature et l'instinct régissent l’accouplement des animaux, qui est soumis à la fonction de reproduction. En dehors des périodes fécondes, la plupart des animaux ne s'accouplent pas. D’autre part, peu d’animaux vivent en couple. Les unions sont éphémères. Le mariage dans le monde humain a un tout autre sens. La création d’un couple dans le monde humain n’a pas pour but premier la reproduction, mais la réalisation du désir d’aimer par deux êtres libres et maîtres de leur destinée. Dans le mariage, deux êtres se retrouvent seuls au monde ; ils savent en se regardant dans les yeux, qu’ils ont été créés l’un pour l’autre. Le mariage représente la plus haute aspiration de l’homme et de la femme, et constitue la source de la plus grande joie.

1.3 Savoir-vivre et savoir-aimer

Mais avec qui nous marier ? Comment définir le partenaire idéal pour chacun ? On croit parfois que les couples qui ont réussi “ont eu de la chance”, ou sont tombés sur “le bon numéro”. Ce sont des mythes, des illusions. La personne qui réussit sa vie de couple n’est pas toujours une personne romantique. Après la passion doit venir la compassion, au sens étymologique de savoir souffrir et endurer ensemble. Il faut de longues années de vie commune pour faire un vrai couple : le coup de foudre n’est pas un gage de réussite conjugale.

Ceux qui réussissent leur vie conjugale sont ceux qui ont toujours su pratiquer l’art de vivre avec les autres, pour les autres. Ils ont un sens d’autrui, une “empathie”, une faculté de sentir et de comprendre le coeur des autres, d’établir des liens de réciprocité. Ce sont aussi, en général, des personnes qui acceptent de prendre des responsabilités. Si quelqu’un ne parvient pas à développer cette faculté d’empathie, il se fabrique une définition fausse de l’amour. L’amour devient alors une affaire de charme, de séduction, où l’on cherche à attirer l’attention d’autrui sur soi.

“L’amour, c’est l’occasion unique de mûrir, de prendre forme, de devenir soi-même un monde, pour l’amour de l’être aimé. C’est une haute exigence, une ambition sans limite, qui fait de celui qui aime un élu.” Reiner-Maria Rilke

Savoir s’entendre avec autrui est la clé. Le psychologue Erich Fromm parle de “l’art d’aimer”, qui est essentiellement un art de s’entendre. L’art d’aimer repose sur l’intelligence du coeur ou encore la sagesse. L'idéal serait de sentir avec notre cerveau et de penser avec notre coeur. C'est la clé du savoir-aimer. Le poète Reiner-Maria Rilke a bien parlé de l’art d’aimer, en montrant que l’essentiel n’est pas de trouver le partenaire idéal, mais de travailler à le devenir soi-même pour autrui : ‘‘L’amour, c’est l’occasion unique de mûrir, de prendre forme, de devenir soi-même un monde, pour l’amour de l’être aimé. C’est une haute exigence, une ambition sans limite, qui fait de celui qui aime un élu.’’

Tout homme devrait savoir, depuis qu’il est petit garçon, que rien n’est plus merveilleux que de pouvoir aimer et chérir une seule femme. Cette ferme certitude devrait rester gravée dans son coeur et ne jamais le quitter, même s’il doit faire de longues études et combiner son idéal conjugal avec sa carrière. De même pour une femme.

Un exemple de réussite conjugale est le couple d’Alfred Hitchcock. Marié jeune, le cinéaste disait qu’il devait tout à son épouse, et lui offrit humblement ses succès. Peut-être qu’Hitchcock partageait cette conviction sereine exprimée par certains couples. Les couples victorieux disent qu’ils se sont toujours aimés, et quasiment toujours “connus”, d’une connaissance antérieure au moment de leur rencontre. Ils relisent donc toute leur destinée depuis le moment de leur naissance à la lueur de cet événement central qu’est leur mariage. Cette union intime de l’amour conjugal et de la connaissance reçoit parfois le nom grec de sophia, la sagesse. La sagesse conjugale est donc la clé pour réussir sa vie de couple dans le mariage.

 

1.4- L’être-pour-la-femme et l’être-pour-l’homme

La connaissance du sexe opposé devrait venir naturellement de nos parents depuis l’enfance. Un enfant doit pouvoir lire l’harmonie de l’homme et de la femme dans le modèle quotidien de ses parents. Les parents doivent enseigner au garçon son rôle de futur époux et à la fille son rôle de future épouse. En effet, l’homme vient au monde comme “l’être-pour-la-femme” : il est né pour rendre heureuse une femme, pour assouvir le désir féminin d’aimer. La femme vient au monde comme “l’être-pour-l’homme” : elle est née pour rendre un homme heureux, et pour assouvir le désir masculin d’aimer. La société actuelle a une culture du mariage qui s’affaiblit. Aussi met-on souvent l’accent sur le sexe ou le rôle des astres. Or l’éducation sexuelle, c’est-à-dire la connaissance de l’anatomie de l’homme et de la femme, n’est pas l’élément décisif de l’éducation au mariage. Elle met l’accent sur l’élément charnel de l’amour, alors que l’amour trouve sa source dans le coeur. L’entente sexuelle est un indice de l’harmonie du couple, non la cause de cette harmonie. Quant à l’astrologie, elle confond souvent le destin anonyme qui décide à notre place, et la destinée, où nous construisons notre vie librement, en partenariat actif et responsable avec le Ciel. La culture du mariage, telle que nous la définissons, est une éducation où les parents préparent leurs enfants aux responsabilités du couple en ouvrant leur libre-arbitre à la dimension du Ciel ou de la Transcendance. Nous aborderons plus tard la question de Dieu pour ceux qui le souhaitent

1.5- L’amour est une faculté qui se cultive

L’amour n’est pas loin, mais proche. Il n’est pas magique mais naturel. Il ne vient pas d’ailleurs, d’un prince charmant ou d’une femme fatale, mais vient de soi. Erich Fromm dit que l’amour ne naît pas d’une propriété fascinante de l’objet aimé - beauté, intelligence, prestige, position sociale. L’amour est une faculté que le sujet aimant doit cultiver en vue d’approcher l’objet et de gagner son coeur. Nous allons maintenant indiquer 5 piliers de la sagesse conjugale, de l’art d’aimer son conjoint. Nous aurions pu en sélectionner d'autres, c’est sans importance. Pour faciliter les choses, nous avons d’ailleurs décidé de montrer comment les chiffres de 1 à 5 sont présents dans la réussite conjugale.

2 LES CINQ PILIERS DE LA SAGESSE CONJUGALE

2.1- Primauté, unité et union

Le chiffre 1 est capital dans la réussite conjugale. Voici pourquoi

D’abord, la réussite conjugale est la priorité n°1 dans la vie, avant de se marier et après. Aucun autre idéal ne peut prendre la première place. Même après la naissance des enfants, le couple reste la raison d’être, le principe premier du foyer. Un dicton dit aux maris : ‘‘le plus grand bonheur que tu puisses faire à tes enfants est d'aimer leur mère davantage’’ Si l’amour faiblit dans le couple, toute la famille en souffre. Aimer son conjoint est la priorité absolue dans la vie. Nous mêmes, nous existons, nous sommes nés, parce que nos parents se sont rencontrés et que, par la force de l’amour conjugal, ils se sont unis. Leur amour conjugal est premier, notre vie est seconde. Notre vie trouve son origine dans le mariage de nos parents, qui constitue de ce fait l’élément premier, primordial, de notre destinée.

Ensuite, le mariage est l’art de s’unir, de tendre vers l’unité. C’est l’un-ion par excellence. “L’amour est le drame et l’accomplissement de l’unification” disait Henri Miller. Pour savoir aimer en général, et aimer son conjoint en particulier, il faut cultiver la capacité de ne faire qu’un avec autrui. Un bon mariage repose sur une philosophie vécue de l’unification. Il est difficile, voire impossible de connaître un mariage heureux si l’on a une double vie. Cette double vie, ce n’est pas seulement l’infidélité ou l’adultère. C’est le fait de rester divisé ou déchiré, de ne pas s’aimer suffisamment soi-même. Avant d’épouser autrui, je dois réaliser un mariage intérieur, réaliser des noces heureuses entre mon esprit et mon corps. En réalisant la liberté, la paix, l’unité et le bonheur en moi-même, je pourrai les réaliser avec mon partenaire. Si tel est le cas, je peux développer la capacité d’être seul-au-monde avec mon partenaire, sans qu’aucun obstacle ne vienne rompre notre unité. L’amour conjugal, lorsqu’il repose sur des êtres harmonieux, en paix avec eux-mêmes, permet parfois de dépasser la dualité du masculin et du féminin, de l’esprit et du corps. En premier vient l’unité. Ensuite vient l’amour. En troisième vient l’idéal. A partir de là, la joie s’installe durablement dans le couple.

Enfin, le chiffre 1 est présent dans le mariage à travers le principe de fidélité. La monogamie est l’essence du mariage. Chaque homme doit se convaincre, du fond du coeur, qu’il lui est impossible d’aimer une autre femme que son épouse. De même pour une femme. La racine du mot adultère est le mot “autre”. Dans un vrai mariage, « l’autre » n’a strictement aucune place. Le mariage repose sur le principe de l’amour exclusif. La rupture de l’exclusivité entraîne l’annulation du mariage. Le slogan « une seule vie, un seul coeur, un seul amour, un seul mariage », nous aide à fortifier une vision claire et nette de l’idéal conjugal.

2.2 L’art de vivre à deux

Le chiffre 2 est aussi au coeur de l’amour conjugal. L’union, en effet n’est pas une fusion possessive, mais une jonction, de deux êtres libres, responsables, autonomes. Si le mariage est une union, c’est aussi un art de la vie à deux, un art du couple. Un couple uni est un lieu de vérité, de beauté et de bonté. Ces valeurs apparaissent là où il y a une réciprocité continue entre le sujet aimant et l’objet aimé. Plus encore que l’amitié, l’amour conjugal repose sur la poésie du « nous-deux ». En fait le couple marié a deux aspects : le couple intime, le « toi-et-moi », ou encore le « face-à-face », où l’homme et la femme sont seuls au monde, exclusivement l’un à l’autre. La chambre nuptiale est le sanctuaire de ces noces intimes. Et puis, il y a le couple public, c’est-à-dire Monsieur et Madame. Il s’agit d’un « nous-deux », ou d’un duo. L’homme et la femme sont tous deux des produits incomplets, semi-finis. Ils ne peuvent exprimer leur valeur que réunis, rassemblés.

Un vrai couple doit pouvoir recevoir, sortir, faire des projets ensemble, créer. Certes, le mari a sa bande de copains, et l’épouse son cercle d’amies, mais le couple devrait trouver sa joie avec d’autres couples.

La beauté du couple repose sur l’harmonie du masculin et du féminin. Chaque culture veut s’identifier à un couple modèle, à la plus belle harmonie possible des principes masculins et féminins. En orient, l’homme représente le Ciel et donne l’amour, la femme représente la terre et offre en retour la beauté. Jung parle d’animus et d’anima. Les poètes ont essayé de donner figure humaine à ces grands principes. On parlera de Mars et Vénus, Roméo et Juliette, Tristan et Yseult, Abélard et Héloïse. Mais il s’agit plutôt d’amants que de couples mariés. De même, la culture actuelle propose comme idoles beaucoup de couples éphémères et superficiellement unis, qui sont de faux modèles. Notre couple modèle s’appelle Adam et Eve. L’homme doit retrouver la masculinité originelle d’avant la Chute, et la femme la féminité originelle d’avant la Chute. C’est seulement à partir de là que le vrai couple humain peut se révéler.

2.3 Les trois stades du développement humain

Un peu de philosophie aide à se poser des questions sur le couple. Nous sommes tous émerveillés, vaguement angoissés par ce mystère de la division sexuelle : nous naissons avec un sexe que nous n’avons pas choisi et devons attendre le jour où la destinée voudra bien nous unir avec notre « âme sœur » ou « notre moitié ». Et nous savons que c’est seulement à travers l’union sexuelle avec cet être aimé que nous pourrons nous reproduire, avoir une descendance.

Le jeune philosophe Hegel, fasciné par ce mystère, l’interpréta ainsi : « Dans l’amour, ce qui était séparé subsiste non plus comme séparé, mais comme uni. Et le vivant (comme sujet) sent le vivant (comme objet). L’amour, plus fort que la crainte, met fin à la séparation. Ce qui est uni dans l’enfant ne se sépare plus à nouveau ; la divinité a agi et créé. Ainsi, le processus est le suivant : l’être un, des êtres séparés, et l’être de nouveau unifié. »

Hegel décrit un processus que nous appellerons Origine-Division-Union. L’amour a son origine dans la divinité, il est consommé charnellement par l’homme et la femme, et porte du fruit dans la naissance de l’enfant. Hegel retrouvait ainsi à travers le langage de la raison philosophique les affirmations de la Bible. Celle-ci suggère tout d’abord que Dieu a créé l’homme et la femme pour qu’ensemble, comme couple uni , ils réalisent son image visible sur la terre.

« Dieu créa l’Homme à Son image, homme et femme Il les créa

A son image il les créa » (Gn 1 :27)

Puis la Bible affirme que la créature humaine se situe quasiment au même plan créateur que Dieu par l’acte de la procréation : Le Jour où Dieu créa Adam, il le fit à la ressemblance de Dieu. Homme et femme Il les créa, il les bénit et leur donna le nom d’« Homme » le jour où ils furent créés. Quand Adam eut cent trente ans, il engendra un fils à sa ressemblance, comme son image. La Bible de Jérusalem commente : « La similitude divine est donc un caractère de nature, que le premier homme transmet à ses descendants. »

Hegel expose un processus en trois stades : à partir d’une origine commune indivise (1), apparaît une division (2) ou différenciation entre un sujet et un objet. La division est surmontée dans une union (3), qui est ici l’enfant. La force qui agit sur les vivants séparés pour les réunir est l’amour.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Hegel précise : « dans l’amour, le vivant sent le vivant ». Ici, sentir signifie connaître intuitivement. C’est l’entente : à la fois attirance émotionnelle de deux êtres qui se plaisent et réciprocité de deux consciences qui se comprennent et s’accordent, sorte de « flash » ou de révélation. Stendhal parlera de cristallisation

Le chiffre 3 est donc un autre secret de la réussite conjugale. Dans l’amour, l’Un se divise en deux êtres distincts, l’homme et la femme, qui restent incomplets dans leur dualité, et cherchent à s’unir par la force de l’amour. Ce processus d’origine-division-union est un processus en trois stades.

2.3.1 Permanence du chiffre 3

Dans la nature, beaucoup de processus de transformation comportent trois stades. Un fleuve a une source, un lit et un estuaire. Un corps minéral peut prendre les états solide, liquide et gazeux. Une plante a des racines, une tige et des fleurs. Il existe trois grands règnes : minéral, végétal et animal. La vie humaine a aussi trois phases : la jeunesse, la vie active et la retraite. Dans nos études, nous passons par les trois cycles du primaire, du secondaire et de l’université. Le chiffre 3 est donc par excellence le chiffre des processus de développement et de maturation. Nous appelons les trois grands stades du développement, les stades de formation, croissance et accomplissement.

2.3.2 Les trois grandes étapes de la vie

Nous passons les 9 premiers mois de notre vie dans l’environnement liquide du sein maternel, puis huit à dix décennies dans l’environnement atmosphérique de notre vie terrestre, avant de rejoindre notre dernière demeure dans un monde immatériel. Nos années de jeunesse sont des années de formation de notre esprit et de notre corps, pour nous amener jusqu’à l’âge adulte. Ce sont les années où nous dépendons de nos parents, et sommes à la charge de la société, qui nous aide à préparer notre avenir. Puis vient la période de notre vie active, où nous fondons notre foyer et exerçons une activité professionnelle. En général, nous approchons de la retraite quand nos propres enfants ont déjà entamé leur vie active et ont commencé à procréer.

Alors, quel rôle joue le chiffre 3 dans le couple ? Le couple est la réunion de deux adultes qui se sont formés et ont atteint leur maturité distinctement dans la période de formation. Le plus important dans la réussite affective, ce n’est pas la maturité physique et intellectuelle, mais la maturité du coeur. Avant d’arriver au stade du mariage, d’être capables d’amour conjugal durable et fidèle, garçons et filles passent par trois sades de maturation du coeur, comparables aux racines, au tronc et aux fleurs d’un arbre, le mariage pouvant être considéré comme le fruit que l’on consomme.

Pendant les sept premières années de notre vie, nous vivons presque en symbiose avec nos parents et recevons beaucoup d’amour qui va donner les racines de notre moi et forger notre identité. Cet amour narcissique est crucial, il nous aide à développer l’amour-propre, la confiance en nous-mêmes, la certitude d’être “aimables”. Cet amour reçu des parents joue aussi un rôle dans la formation de notre sensibilité et de notre sensualité. Nous l’appelons le stade captatif de l’amour, élément central d’Eros.

Puis, jusqu’à l’âge de 14 ans à peu près, le moi se pose peu à peu par rapport au toi (frères et soeurs et camarades de notre âge). C’est l’âge des grandes amitiés d’enfance, qui joue un grand rôle dans la formation de notre imaginaire. Nous apprenons à partager, à donner et recevoir. C’est le stade de l’amour réciproque, élément central de la philia. Notre maturation affective se fait alors auprès de nos frères et soeurs et camarades, même si l’amour des parents joue encore un grand rôle. Etre fraternel, se montrer ouvert aux autres et sociable est une des clés pour réussir sa vie de couple dans la durée, pour construire l’amour dans le temps.

Avec la puberté survient un irrésistible attrait pour le sexe opposé. C’est le stade idyllique de l’amour, qui est charmant et poétique, mais pas assez vigoureux pour constituer un couple stable. La culture actuelle incite les jeunes à donner une traduction sexuelle à cette inclination idyllique, la faisant dériver vers le flirt et les jeux sexuels adolescents. Ici, l’amour est en danger, et le coeur peut cesser de croître dans des rapports sexuels précoces. L’habitude d’une sexualité récréative, irresponsable, nuit au développement affectif et induit une vision négative de l’autre sexe. L’idéal serait que les jeunes mûrissent la fleur de l’amour idyllique en investissant tout leur enthousiasme juvénile dans une forme d’amour altruiste et désintéressé. Le caractère passe alors de l’état de fleur à l’état de fruit consommable.

Avant d’entrer dans l’âge adulte, beaucoup de jeunes sont en effet déchirés entre deux amours : ils ont un souci excessif de plaire, une poussée exacerbée de narcissisme, mais aussi une soif d’Absolu, de dépassement de soi. Le moi est à la foi adoré et haï. La vraie direction que doit prendre le coeur est alors de faire serment d’allégeance à un idéal plus haut que le moi. Alors le coeur peut entrer dans la sphère de l’amour agapé, stade de l’amour inconditionnel, où l’on s’oublie au service des autres. Beaucoup de jeunes peuvent trouver difficile de préserver leur virginité jusqu’au mariage, alors que leurs élans sexuels sont vigoureux. Mais cet effort de la volonté a pour but de dégager la sexualité d’une composante trop narcissique afin de l’orienter vers le don à la personne que l’on aime. Le sport d’équipe, le bénévolat, le militantisme permettent de travailler à un idéal supérieur et sont alors la meilleure préparation au mariage.

2.3.3 Trois composantes de l’amour conjugal

L’amour conjugal récapitule tous les stades de développement affectif. Kierkegaard parle de trois étages dans l’amour, le stade esthétique, le stade éthique, et le stade spirituel. Ils correspondent à Eros, Philia et Agapé.

Eros, l’amour sexuel du couple, et le plaisir du présent

Les rapports sexuels dans le cadre du mariage sont des moments merveilleux si l’Eros y est en harmonie avec l’amour agapé et l’amour philia. L’homme et la femme doivent être passionnément épris l’un de l’autre et le manifester charnellement, mais en restant des êtres libres et responsables qui ont un idéal de toute une vie. La sexualité apporte énormément de bien-être et de plaisir, elle s’exprime dans des instants privilégiés d’une très grande intensité. Ceux-ci ne doivent jamais être considérés comme une activité purement ludique et récréative. L’acte sexuel doit au contraire être considéré comme quelque chose de sacré, qui exprime le coeur et l’amour des époux. Il doit par ailleurs être dépourvu d’égoïsme. L’homme doit considérer que ses organes sexuels ne lui appartiennent pas, mais appartiennent à son épouse. La femme, de même, ne doit pas penser que son corps lui appartient, mais qu’il appartient à son mari.

Philia, le compagnonnage conjugal pour toute la vie

Notre conjoint est un être social, qui a son histoire propre. Le mariage est un rapport de compagnonnage affectueux, de courtoisie conjugale entre deux êtres qui apprennent à exprimer leur coeur l’un pour l’autre et se dire leur vie l’un à l’autre. C’est l’amour philia, ou l’amour de réciprocité, qui implique une longue durée, une histoire conjugale écrite à quatre mains. Les époux doivent pouvoir étudier, travailler et jouer ensemble de bon coeur, se faire société l’un à l’autre, selon une belle expression de la Renaissance. Ainsi leur mariage devien-il le cœur de toute leur vie sociale.

Agapé, l’amour spirituel en vue de l’éternité

L’éternité est inscrite dans l’amour conjugal depuis le tout premier regard. La joie conjugale est un avant-goût de l'éternité nuptiale. Nous vivons à deux sur la terre, en vue de devenir un couple éternellement uni dans l’au-delà. Tel est la promesse de l’amour véritable dans le mariage. Notre partenaire n’est pas une personne que nous avons choisie, mais un être à part, qui nous a été donné par la grâce, afin de nous aider à atteindre le salut par une vie d’amour conjugal. Dans ce stade suprême de l’amour, ni la chair ni les mots n’ont d’importance, seule compte l’étreinte de deux coeurs épris éternellement l’un de l’autre. C’est un peu comme le troisième étage d’une fusée. Si nous vivons toute notre vie conjugale dans un véritable amour, cet amour est capable de nous faire exister dans l’orbite éternelle de l’Amour avec un grand A. D’où ce poème de Khalil Gibran :

 

Vous êtes nés ensemble

Et ensemble vous resterez pour toujours.

Oui, vous resterez ensemble

Lorsque les ailes blanches

De la mort disperseront vos jours.

Vous resterez ensemble

Jusque dans la silencieuse mémoire de Dieu.”

Agapé (amour spirituel), Philia (Amour éthique), Eros (amour esthétique) sont les trois niveaux de l’amour conjugal réussi, qui récapitulent notre vie affective. Ils constituent l’architecture d’un couple épanoui et heureux.

2.4 Les Quatre Grandes Sphères du Cœur

Le chiffre 4 est aussi présent dans le mariage, à travers ce que l'on appelle les 4 grandes sphères du cœur. Au cours de notre vie, notre corps mûrit et se métamorphose, en passant par plusieurs stades. Nous pouvons retarder le vieillissement de notre corps, mais ne pouvons vaincre la mort. Notre esprit doit croître lui aussi vers la maturité et la perfection, et c'est notre responsabilité qu’il ne décline pas. Le cœur de la vie spirituelle est notre sensibilité à l'amour, que nous cultivons selon le désir de notre libre-arbitre. Nous sommes nés pour aimer, pour nous impliquer dans des rapports émotionnels avec les objets qui nous entourent et surtout avec d'autres êtres de conscience et de liberté comme nous. Qui désirons-nous aimer au cours de notre vie ?

Les premiers objets de notre amour sont nos propres parents. C'est un élan affectif vertical, ascendant et exclusif. Nos parents, qui nous ont donné la vie, nous aident à exister comme être aimés en premier, ou aimés depuis toujours, avant même de naître. Notre rapport avec nos parents conditionne en grande partie notre vie "verticale", qui nous met en relation avec ce qui est plus élevé que nous-mêmes.

Les seconds objets que nous aimons sont ceux que nos parents aiment comme ils nous aiment, c'est-à-dire nos frères et sœurs. L'amour fraternel est horizontal et multiple, et induit les autres relations horizontales de camaraderie et d'amitié.

Nous en venons finalement à l'inclination conjugale. Nous nous projetons dans un couple, où la personne de sexe opposé et nous-même constituons un "toi-et-moi" et un duo inséparable dans le mariage. C'est un amour horizontal, où la sexualité, l'attraction nuptiale, joue un rôle central. C'est aussi un amour exclusif.

La perfection de notre vie spirituelle et affective est de pouvoir aimer nos propres enfants, après leur avoir donné la vie. Il s'agit de l'amour parental, qui est vertical, descendant et multiple.

Il est très important, pour croître dans notre vie conjugale, de développer notre cœur dans ces quatre directions. Nous pouvons parler de quatre sphères, et plus notre cœur est profond, plus large est la sphère de chaque amour que nous connaissons.

2.5: LA DEVISE DE L'AMOUR : A, E, I, O, U

Au temps de l'Empire austro-hongrois, l'Autriche s'était dotée d'une devise pour exprimer la vocation universelle de sa culture. Il s'agissait des 5 voyelles de l'alphabet : A, E, I, O, U, pour Austria Est Imperare Orbi Universo. Cette devise signifie "Il appartient à l'Autriche de régner sur l'univers entier". En réalité, ce privilège et cette responsabilité ne devraient pas être confiés à un empire politique, mais à l'empire spirituel de l'amour. Nous pouvons ainsi dire de l'amour qu'il est l'accomplissement de la devise A, E, I, O, U :

A comme Absolu : l'amour est suprême et souverain, plus précieux même que notre vie. C'est lui qui donne un sens et une valeur à notre existence. C'est de lui que vient la joie. L'amour fait de nous des personnes élues, au sens le plus noble du terme, c'est à dire choisie pour répandre autour de nous des grâces et des bénédictions.

E comme Eternel, car l'amour depuis le premier regard, est une promesse d'eternité et de victoire sur la mort. La béatitude conjugale doit être un avant-goût de notre éternité nuptiale.

I comme Immuable, car l'amour ne change pas, il a l’impermanence du diamant. L'amour ne doit pas subir de mutations, mais doit rester toujours de même nature.

O comme Originel, car la quête de l'Eden et d'un monde de pureté est au coeur de l'amour.

U comme Unique. En effet, le vrai amour implique une fidélité absolue.

 

Conférence éditée sur le site amourvrai.free.fr

 

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