Des générations d'amoureux, refusant la fatalité de la culpabilité, se sont écartées de l'Eglise pour mieux épanouir leur vie sexuelle. Erreur ! Les évangiles disent tout le contraire, explique le psychanalyste. Par Tony Anatrella : Ne pas aimer est un péché !

Le péché d'amour n'existe pas. L'évangile, transmis par l'église à travers les générations, nous enseigne le contraire : seul l'amour auquel nous ouvre le Christ est libérateur. Le Dieu chrétien diffère du simple monothéisme en étant trinitaire et constitué par le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Certes, il est l'Unique. Mais Dieu n'est ni solitaire ni lointain, il est communion. La Trinité vit dans une communion d'amour, c'est-à-dire dans un lien durable. L'altérité est au cœur même du Dieu trinitaire et l'amour qui s'y échange est la charité. Ce terme qui a, malheureusement, été dévoyé, est précisément l'amour qui vient de Dieu : la caritas. Toutes les idées sur Dieu ne se valent pas et n'entraînent pas la même conception de l'homme et de la société. La foi chrétienne est ainsi à la source du sens de la personne dans l'évolution de notre civilisation.

 Aimer l'autre au sens chrétien, c'est le vouloir vivant, se donner la vie l'un par l'autre, reconnu pour lui-même, et en respectant la liberté à laquelle chacun est appelé. On comprend dés lors que c'est le refus de l'amour qui est source de culpabilité psychique quand il s'exprime dans la négation à faire exister l'autre et dans la complaisance avec toutes les formes de mort contre la vie. Sur un autre plan, celui de la vie spirituelle, le manque d'amour est source de péché quand le rejet de l'altérité se manifeste : tout comme l'infidélité est une trahison, Il y a différentes formes d'amour à travers lesquelles la relation humaine peut se décliner : l'amour social, l'amour conjugal, l'amour parental, l'amour filial, l'amour fraternel, etc. L'amour, par définition, amène l'homme à se réaliser par le don désintéressé de lui-même (1).

Le sens de l'amour chrétien n'a donc rien à voir avec la culpabilité qu'on lui attribue. Quant à Adam et Eve, ils n'ont commis aucune faute sexuelle. Ils ont voulu occuper toutes les places, à commencer par celle de Dieu. En se vivant dans l'autosuffisance, ils ont cru qu'ils étaient à eux-mêmes leur propre finalité : chacun se prenant pour l'objet de son propre désir, il n'y a plus de place pour l'autre. Pire même, l'autre peut devenir troublant parce que l'on ne sait pas comment situer son désir.

La découverte sexuelle, c'est d'abord la fascination ou la peur de la différence. Mais c'est aussi la volonté de prendre possession de l'autre qui est source de culpabilité. Pour échapper à l'appropriation de soi par autrui, la honte et la pudeur vont rapidement se mettre en place afin de protéger sa nudité tant corporelle que psychique. La honte et la pudeur rappellent également la différence fondatrice de la division des sexes à accepter pour accéder à la réalité de l'amour. En se cachant, Adam et Eve expriment une résistance à entrer en relation avec l'autre, à commencer avec Dieu. Leur corps est touché par un sentiment nouveau et dérangeant de l'altérité, sous la forme de sensations sexuelles qui échappent à leur volonté. L'autre déclenche, ainsi, la honte liée au désir sans que le sujet puisse en identifier la nature.

La culpabilité est inhérente à la sexualité humaine. Elle se manifeste tout au long des étapes du développement de la psychologie sexuelle de l'enfant et de l'adolescent. La culpabilité commence lorsque l'enfant doit intégrer le sens des limites corporelles et de ses désirs dont les parents sont les premiers objets. Lorsque la mère refuse à son jeune fils de la rejoindre dans le lit conjugal, ou que le père retire sa main de celle de sa fille de quatre ans, qui veut se faire caresser ses parties intimes, l'enfant se heurte à une négation qui va se transformer en sentiment de culpabilité. Il aura à construire autrement son lien sexuel afin de réaménager ses désirs incestueux qui appartiennent à la première orientation de la sexualité humaine. En revanche, la culpabilité Oedipienne restera dans son inconscient mais, si elle n'est pas traitée, elle pourra prendre différentes figures qui auront des effets sur la sexualité en allant de l'inhibition à divers troubles réactionnels jusqu'à la perversion. Il pourra reprocher à ses parents de ne pas lui avoir été assez attentifs, ou adopter une attitude de refus face à la loi et à l'autorité en croyant qu’ils sont oppressants parce qu'il n'a pas réussi à intégrer le sens de l'interdit incestueux. Au lieu de s'interroger sur soi-même et sur sa façon de vivre ses pulsions sexuelles, la personne risque de chercher des coupables en projetant la cause de ses propres difficultés sur des réalités extérieures comme l'éducation, la foi chrétienne, la morale.

Il n'y a pas de culpabilité judéo-chrétienne comme on se plaît à le dire. Il arrive que, pour de multiples raisons, l'individu opère un montage qui lui permet de se justifier et de se poser en victime. Cette attitude d'esprit lui évite de reconnaître qu'il est le sujet de ses pulsions sexuelles, de ses transgressions et de son sentiment de culpabilité. La vie affective et sexuelle relève de normes sociales et de valeurs morales. Les éviter et les nier éveillent un sentiment de culpabilité qui est un signe de santé psychique. Seul le pervers ne le ressent pas, ce qui en fait un individu ,dangereux pour lui et pour les autres. L'amour qui est un ordre symbolique dans lequel s'intègrent les sentiments, les attraits sexuels et le désir de construire une relation commune est source de vie. C'est lorsqu'il vient à manquer qu'il peut faire souffrir, son absence peut être aussi la conséquence d'une erreur d'interprétation relationnelle ou encore d'une faute. L'amour ne peut être que libérateur.

(1) Jean-Paul 11, Lettre aux familles, Paris, Plon/Mame, 1994. Genèse 3, 7.8.

 L'amour, par définition, amène l'homme à se réaliser par le don désintéressé de lui-même

Tony Anatrella est psychanalyste et spécialiste en psychiatrie sociale. Il est également prêtre. Il a publié le Sexe oublié, collection poche Champ-Flammarion, (1993), l’Eglise et l'amour, idem (200O), la Liberté détruite, Flammarion (2001).

Voir Article La Vie n° 2938-39 du 20 décembre 2001

 

 

 

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